Caroline Fourest
«Le Monde» à l’envers
Revue PROCHOIX n°26-27

Depuis quelques années, les pages "religion" du journal Le Monde sont devenues le porte-drapeau d'une école de pensée bien décidée à infléchir la laïcité telle que nous la connaissons en France. Il est devenu le média privilégié des partisans dits de la "nouvelle laïcité", un concept notamment défendu par certains sociologues de l'École pratique des Hautes études sous la houlette de Jean Baubérot ou encore des historiens comme René Rémond. Jeanne Favret-Saada fait partie des rares à s'être opposée à cette ligne, notamment dans un article paru dans Les Temps Modernes, où elle explique toute l'ambiguïté de cette "nouvelle laïcité"(1). En fait de "nouveauté", il s'agit notamment de faire une place de choix à la culture religieuse au sein de l'école, voire même de susciter la création d'un module destiné à enseigner le fait religieux. Cette proposition est tout particulièrement d'actualité depuis que Régis Debray en a fait son cheval de bataille dans un rapport remis à Jack Lang début 2002, alors même que la France vient d'officialiser l'enseignement du catholicisme et du protestantisme en Alsace- Moselle par le biais d'un CAPES de religion réservé depuis 2000. Il "faut passer d'une laïcité d'incompétence" (sic) à une "laïcité d'intelligence" plaide Régis Debray. L'imposition d'une nouvelle laïcité passe en effet nécessairement par la disqualification de l'ancienne. Les partisans de la "nouvelle laïcité" ont notamment imaginé un moyen de jeter l'anathème sur l'actuel modèle français : ils y opposent le terme de "laïcité ouverte". Cette fois, c'est Henri Pena- Ruiz, maître de conférence à Sciences Po et auteur de plusieurs ouvrages incontournables sur la laïcité, qui a vu venir le piège : "la notion de 'laïcité ouverte' suggère que la laïcité tout court serait 'fermée'". Ce qui n'est pas le moindre des procès d'intention vis-à-vis d'un idéal conquis sur l'obscurantisme : "L’esprit d’ouverture est une qualité. Mais il ne prend sens que par opposition à un défaut : la fermeture. C’est pourquoi on n’éprouve la nécessité d’ouvrir que ce qui exclut, enferme, et assujettit. Et on le fait au nom d’idéaux qui quant à eux formulent tout haut des exigences de justice. Les droits de l’homme, par exemple, proclament la liberté et l’égalité pour tous les êtres sans discrimination d’origine, de sexe, de religion ou de conviction spirituelle. Viendrait-il à l’idée de dire que les “droits de l’homme” doivent “s’ouvrir” ?"(2) De fait, le terme de "laïcité ouverte" est merveilleusement efficace pour faire passer le modèle laïque tel que nous le connaissons pour un modèle fermé et obtus. Derrière lui se cache la volonté de mettre fin à une valeur culturelle en voie de disparition à l'échelle du monde, la laïcité telle que nous l'entendons en France, au profit d'un modèle multiculturel, proche de ce que l'on observe aux États-Unis, à savoir un pays dont l'état est officiellement laïque mais dont la culture, elle, est réduite à une juxtaposition communautaire glorifiant l'appartenance religieuse comme seule source de "sens". N'entend-on pas, ici ou là, des intellectuels, souvent chrétiens, pleurer sur la "perte des repères" et revendiquer un retour à la "quête du sens", à leurs yeux nécessairement religieuse, pour la France ? L'idée fait son chemin, même si les partisans de la "nouvelle laïcité" rencontrent quelques difficultés à faire accepter cette régression en France. C'est pourquoi, ils produisent aujourd'hui une surenchère de concepts destinés à disqualifier les militants et les intellectuels laïques pour mieux imposer leur redéfinition de la laïcité. C'est dans cette atmosphère, très tendueet pleine d'enjeux, qu'intervient le débat sur les signes religieux distinctifs à l'école. Avez-vous remarqué combien ce débat est en passe d'être piégé par les mots ? Certains journalistes, quelques sociologues et maintenant des associations accusent de plus en plus souvent les défenseurs de la laïcité d'être des "laïcistes" ou des "islamophobes" voire des "intégristes de la laïcité" (sic). Ces expressions ne sont malheureusement pas isolées.
Elles font partie du registre lexical courant d'un journal comme Le Monde, tantôt sous la plume d'Henri Tincq tantôt sous celle de Xavier Ternisien. Quitte à briser le mythe de l'objectivité journalistique, ces deux responsables de la rubrique religieuse ont si souvent franchi la ligne rouge partisane qu'il est temps de lever le voile sur leurs convictions.
Vive le Renouveau charismatique, par Henri Tincq
En charge des questions religieuses au Monde depuis des années, Henri Tincq a récemment publié un ouvrage dont on a peu entendu parler, Dieu en France (3), mais qui a sans aucun doute réjoui les militants du Renouveau charismatique, ce courant particulièrement sectaire en passe de régénérer le prosélytisme chrétien à force de scander que l'on peut guérir du Sida ou du cancer grâce à la prière et au "parler en langues" (ces séances de transes où l'Esprit saint est censé s'emparer du corps des fidèles). Sous-titré Mort et résurrection du christianisme, l'ouvrage de Tincq défend la thèse selon laquelle le christianisme va sortir du trou noir grâce à un front commun avec les autres religions — il estime toutefois que le catholicisme doit garder une place privilégiée sous peine de mettre toutes les Églises au même niveau — mais surtout grâce au Renouveau charismatique : "le Renouveau charismatique ainsi qu'une poussière de ‘communautés nouvelles’ donnent désormais le ton à un catholicisme décomplexé, émotionnel, visible, festif", écrit-il avant d'ajouter : "N'est-ce pas là la voie de la résurrection ?"
Avant d'en venir à cette joyeuse conclusion, le livre se présente sous la forme d'un long plaidoyer regrettant la mort du christianisme en tant que parole publique et politique : "l'Église ne compte plus guère sur le terrain politique. Si elle est parfois requise par les élus ou gouvernants, avec les autres représentants confessionnels, pour jouer les pompiers dans les banlieues, ses avis sont ignorés quand elle réclame la régularisation des immigrés sans-papiers, la défense de l'emploi de travailleurs menacés, le respect de la cellule familiale et de la vie".
Oui, vous avez bien entendu les deux derniers mots… On ne voit pas bien en quoi l'Église catholique a joué un rôle de "pompier dans les banlieues" mais on comprend très bien pourquoi Henri Tincq a eu à coeur de prendre la défense des combats les plus progressistes de l'Église pour ensuite tenter de faire passer la pilule sur ses combats les plus rétrogrades en faveur du "respect de la cellule familiale et de la vie " (sic). Tout le reste du livre est à cette image : une dose pour redorer l'image sociale de l'Église — présentée comme à la pointe du combat contre le libéralisme sauvage et la mondialisation — aussitôt corrigée par trois quarts de propagande expliquant combien il est injuste de caricaturer le catholicisme en raison des affaires de pédophilie ou de ses positions sur l'avortement et l'homosexualité.
Même s'il prend la peine de ne pas totalement les approuver, Henri Tincq les juge parfaitement cohérentes face à ce qu'il appelle "une crise de la vérité et de la norme". Le journaliste n'a pas de mots assez flatteurs pour redorer le blason de L'Évangile de la vie, le manifeste anti-avortement de Jean-Paul II, qu'il décrit comme l"une des plus belles évangiles de ce pape" : "un cri d'anxiété poussé devant l'extension de la culture de mort — terrorisme, guerre, délinquance, euthanasie, avortement, etc. — au détriment de la 'culture de vie'" (re-sic).
L'ensemble du livre dévoile une conception clairement provie puisqu'il s'attache d'ailleurs à montrer combien la "culture de mort" se répand chaque fois que le christianisme recule. Il se montre effrayé par l'affaire Perruche et s'inquiète des avortements de convenance : "l'interdit prononcé par l'Église catholique, avec force et régularité, contre l'avortement et l'euthanasie, accueilli dans l'indifférence ou le mépris, découle de cette affirmation de la dignité humaine face à la dérive de pratiques et de législations qui, le plus souvent, se contentent de prendre acte et d'entériner les évolutions des moeurs".
En parlant des moeurs, le journaliste du Monde regrette que les positions du Saint-Père sur le préservatif aient été mal comprises, ses incitations à leur préférer la chasteté ayant été interprétées comme une forme de non assistance à personne en danger. Il reconnaît bien une certaine irresponsabilité dans ces propos mais tient à sauver malgré tout le message du pape : "Il voulait dire qu'il est irresponsable, de son point de vue, de promouvoir le préservatif sans parler aussi de maîtrise de soi et de fidélité des couples". Des valeurs qu'il partage tant il semble écoeure parce qu'il présente comme un déluge de sexe, regrettant que même les femmes n'aient plus aucune pudeur et parlent désormais facilement de sexualité... Les enquêtes de Janine Mossuz-Lavau sur la sexualité sont citées à charge ! Mais la télé reste sa cible privilégiée : "sous prétexte de montrer tout et de parler vrai, la télévision est devenue un exutoire de fantasmes. Triomphe sur les écrans une sexualité pulsionnelle, libérée de toute contrainte sociale et morale, une sexualité morcelée, parfois incestueuse, qui met à nu les corps et les humilie". C'est dire si Tincq regrette que les mots "chasteté, virginité ou abstinence" soient si peu à la mode et fassent rire dans les cours des lycées : "d'émissions radios nocturnes pour adolescents en télé réalité, il s'ensuit un discours décomplexé sur les conduites sexuelles, mais convenu, vaguement cynique, dans lequel on ne sait plus ce qui favorise ou non la relation, ce qui fait ou non la norme".
Nous y voilà. Henri Tincq est trop intelligent pour combattre officiellement ce qu'il appelle la "rupture du pacte conjugal", le concubinage, les "aventures hors mariage", l'éclatement des familles ou la monoparentalité mais il regrette ouvertement la fin de la norme : "au nom de la privatisation davantage revendiquée des plaisirs sexuels, ces modes de vies ne sont plus moralement hiérarchisés".
Autant vous dire que les pages suivantes sont truffées de citations de Tony Anatrella, sobrement présenté comme un psychanalyste spécialiste des adolescents alors qu'il s'agit surtout du psy le plus homophobe du PAF, celui qui est monté au créneau contre le PaCS au nom du catholicisme.
Même s'il juge que les slogans des manifestants anti-PaCS n'ont pas toujours été très fins, on sent bien qu'Henri Tincq se laisserait volontiers aller sur ce terrain si les pages sociétés du Monde, notamment sous la plume de Pascale Krémer, n'avaient pas été si fines et avant-gardistes sur un dossier comme le PaCS. Car, vous l'aurez compris, c'est bien une vision dogmatique et archaïque du catholicisme que nous dévoile ce journaliste au fil des pages. Une vision qui ne supporte rien moins que l'esprit critique. Il se déclare même choqué de voir la religion malmenée par des marques comme Benetton, montrant une religieuse et un prêtre en train de s'embrasser, ou Volkswagen, coupable à ses yeux d'avoir transgressé le mystère de l'eucharistie lors d'une campagne retirée à la suite des protestations d'associations catholiques. Il regrette le Bébête-show, dont les parodies évitaient de "heurter le public encore intégré au catholicisme", et reproche aux Guignols de l'info de mener "une entreprise de désacralisation" : "Les rituels chrétiens, des dogmes aussi fondamentaux que l'incarnation, les sacrements, sont tournés en dérision."
Plus inquiétant encore est le début du chapitre VI, "Dieu, bonnet d'âne à l'école", où Tincq met en parallèle deux actualités relatées par Le Monde du 23 septembre. D'un côté, le meurtre commis par un jeune homme qui "voulait voir ce que cela fait de tuer quelqu'un". De l'autre, un jugement de la cour d'appel de Metz exigeant que l'on retire un tableau représentant le Christ en Croix de la salle d'audience au nom de la laïcité. Vous vous demandez quel peut être le lien entre ses deux dépêches d'AFP ? Pour le journaliste du Monde, ce lien est évident : "Le sens de ces deux informations, rapprochées par les hasards de l'actualité et de la mise en page, saute aux yeux". Ôtez les symboles chrétiens des cours de justice et vous augmenterez le nombre de meurtres à force d'encourager la perte des repères en privant les égarés de l"accès au sens"… Et Henri Tincq de noter que si Dieu est en disgrâce à cause de la laïcité, le diable et le satanisme, eux, ne se sont jamais aussi bien portés. Sans parler du taux de suicide et de la pédophilie qu'il met en relation avec le déclin de la religiosité. Bref, le journaliste du Monde n'en finit plus de pleurer sur ce monde de l'après 68, sur la "perte des repères", "la crise du sens", un monde de "matérialisme et d'hédonisme sans limite" qui justifierait, selon lui, le retour sur la scène médiatique des intellectuels parlant au nom du christianisme. On sent chez lui une véritable souffrance à endurer le discours des héritiers de Jean-Paul Sartre dont il se demande : "L'histoire retiendra-t-elle de Sartre qu'il fut un grand philosophe ou un militant acharné et, ce faisant, un peu égaré ?" Sous sa plume, les intellectuels laïques sont systématiquement traités de "militants", de "laïcistes", tandis que les partisans de la Nouvelle laïcité — Jean Baubérot, Danièle Hervieu-Léger ou René Rémond — sont présentés parmi les meilleurs chercheurs qui soient. Même la revue Golias, des catholiques de gauche, est nettement trop laïque au goût du journaliste du Monde, qui ne semble guère apprécier ses enquêtes critiques envers le pape et le Vatican.
Au final, tout cela ne serait pas si grave si ce parti pris ne se retrouvait pas systématiquement dans les pages "religion" du Monde où, sous couvert d'objectivité journalistique, Henri Tincq dénonce, article après article, les "fantasmes" de l'"extrémisme laïque". Dans son livre, il regrette ouvertement que "le cri de révolte d'une féministe ait plus d'échos auprès du Premier ministre qu'une protestation du président de la conférence des évêques". Il est donc logique de voir que ces articles félicitent le projet de constitution européenne lorsque celui-ci entérine une mode de relation privilégiée entre la communauté européenne et l'Église catholique. En revanche, le journaliste sort de ses gonds face au refus de voir figurer une invocatio Dei, une référence explicite à Dieu, dans cette même constitution et sa colère se retrouve dans ses articles consacrés à ce sujet. C'est bien dans Le Monde et non plus dans son livre qu'il s'est laissé aller à cette envolée : "On comprend l’argument de ceux qui disent que l’un des effets les plus pervers de l’extrémisme religieux est de renforcer les tendances laïcistes" (sic) (4). Ainsi ce n’est pas le terrorisme ou même le fanatisme que ce journaliste semble déplorer dans l’intégrisme, son principal "effet pervers" est à ses yeux de renforcer un danger autrement plus grand… "les tendances laïcistes" !
Les "ayatollahs de la laïcité", par Xavier Ternisien
Vous pensez peut-être qu'on ne peut pas aller plus loin sur le mode du Monde à l'envers ? Vous n'avez pas encore lu un article de Xavier Ternisien… L'autre journaliste en charge des questions religieuses, françaises cette fois, aurait pu être une bouée d'oxygène, l'occasion d'un regard un peu moins partial sur l'actualité. Il n'en est rien.
Ternisien tient le même discours que Tincq et s’en prend systématiquement au "combat laïcard" ou au "camp ultralaïque", auxquels il reproche de mener une "croisade antivoile" (re-sic) (5). Autant cet ancien séminariste peut se montrer critique envers l'intégrisme chrétien, autant certains de ses écrits sont ambigus face au fondamentalisme musulman, qu'il n'est jamais loin de considérer comme le véritable islam, l'"islam d'en bas", face à l'"islam d'en haut" que serait celui des musulmans libéraux ou laïques.
C'est en tout cas ce qui ressort de ses articles et surtout de son livre, La France des Mosquées, cités comme un ouvrage de référence par de multiples sites musulmans et islamistes.
Soyons honnêtes, cette enquête est fouillée et instructive. À certains moments, le journaliste a pris soin de maintenir un équilibre apparent en relayant les critiques adressées à des organisations comme l'UOIF (l'Union des organisations islamiques de France). Il ne cache pas leurs liens avec les Frères musulmans, même s'il ne dit pas combien ce mouvement est dangereux. Fondé par le grand-père de Tariq Ramadan, Hassan al-Banna, sa stratégie a toujours été d'infiltrer un pays en envoyant des émissaires calmes et pondérés, insistant sur leur "réformisme", pour mieux dissimuler des actions de prosélytisme au service d'un islam radical et fondamentaliste. Or même s'il relate certains faits encombrants pour l'UOIF, qui incarne l'idéologie des Frères en France, Xavier Ternisien se contente un peu vite de ses démentis. Il accepte notamment la version de son président lorsque celui-ci lui affirme que l'organisation n'a plus aucun lien avec le cheikh libanais Fayçal Mawlawi, le dirigeant de la Jamaat Islamiyya libanaise [l'organisation des Frères impliquée dans des attentats terroristes au Liban], alors qu'il est très facile de prouver le contraire. En effet, Mawlawi intervient toujours dans les séminaires de l'institut de l'UOIF et siège toujours au Conseil européen de la fatwa, l'organe chargé d'émettre des fatwas pour la branche Europe de l'UOIF. En parlant du Conseil européen de la fatwa, Ternisien relève bien qu'il est présidé par Youssef Qaradhawi, le théologien servant de référence aux Frères musulmans et à sa branche armée palestinienne (le Hamas), mais son pedigree ne l'émeut pas outre mesure. En réalité, le journaliste se contente de présenter le Conseil européen de la fatwa comme un laboratoire de pensée qui "mérite d'être encouragé". À l'appui de sa thèse, l'auteur cite une poignée de fatwa censées nous persuader du modernisme de ce conseil, comme l'autorisation des prêts immobiliers ou l'autorisation de consommer des aliments contenant des excipients à base d'os de porc (comme la gélatine) et celle autorisant une femme à rester mariée à un non-musulman. Autant d'avis religieux ponctuels pouvant effectivement entrer dans le cadre des réformes encouragées par les Frères musulmans mais qui ne doivent pas cacher les multiples fatwa rendues par ce même Conseil en faveur du port obligatoire du voile, contre l'avortement, ou pour approuver les attentats kamikazes !
Question de priorité… or la priorité de Xavier Ternisien est clairement affichée : "dédiaboliser" par tous les moyens les penseurs proches des Frères musulmans, comme Tariq Ramadan, et discréditer au maximum les musulmans libéraux et laïques qui s'y opposent, comme Soheib Bencheikh, la Mosquée de Paris ou Leïla Babès.
Le parti pris de La France des Mosquées
La France des Mosquées s'ouvre sur une introduction mettant en garde contre les dangers de l'"islamophobie". Introduit en France par Tariq Ramadan, ce terme tendant à faire passer la critique de l'islam pour du racisme. En guise d'exemple de l'"islamophobie ambiante", Xavier Ternisien cite les réflexions de certains de ses collègues, qui semblent se demander avec insistance s'il ne s'est pas converti à l'islam… Ce qui ne serait pas grave ! Plus grave est la conclusion de son livre, un plaidoyer en faveur de la reconnaissance des forces vives de l'islam réformiste salafiste, accompagnée d'une mise en garde contre la tentation d'utiliser le mot "intégriste" ou le mot "fondamentaliste" à leur sujet. Au motif de calquer un "terme occidental" sur l'islam, cette ruse sémantique — en réalité toute politique — permet d'éviter de mettre la pédagogie entreprise face à l'intégrisme chrétien au service d'une résistance face à l'intégrisme musulman. Car en réalité, rien ne fait obstacle à utiliser le mot "intégriste" ou le mot "fondamentaliste" à propos des Frères musulmans ou d'autres mouvements islamistes comme les wahhabites. Même s'ils sont en concurrence pour gagner le leadership du djihad mondial, ces deux mouvements ont en commun de mener une entreprise de reconquête politique intégraliste à partir de la religion (ce qui est très exactement la définition du mot "intégrisme"), et plus exactement au nom d'un islam "salafiste" (ce qui signifie "retour aux fondements"). On peut donc s'étonner de vouloir à tout prix éviter qu'on ne leur accole les termes de "fondamentalistes" ou d'"intégristes", surtout lorsque l'on sait à quel point Xavier Ternisien n'a pas la même exigence sémantique à propos des militants laïques !
Quand il ne parle pas lui-même de "croisés de la laïcité" dans ses articles pour Le Monde, Ternisien cite volontiers René Rémond, historien et membre de la commission Stasi, traitant ceux qui souhaitent appliquer les lois de 1905 à l'Alsace-Moselle "d'intégristes et de fondamentalistes" de la laïcité ! (6). Le journaliste est même allé jusqu'à conclure un article consacré aux soeurs Lévy en citant cette envolée de leur père : "À travers cette affaire, je découvre la folie hystérique de certains ayatollahs de la laïcité". Gloups.
Le plus inquiétant n'est pas que ce journaliste entreprenne de discréditer systématiquement ceux qui souhaitent voir maintenue une certaine exigence en matière de laïcité, le plus dangereux c'est lorsque cette disqualification s'opère également à l'encontre de ceux qui résistent aux intégristes musulmans, notamment vis-à-vis des musulmans défendant un islam tolérant, rationaliste et laïque.
L'ouvrage de Xavier Ternisien égratigne tous les acteurs musulmans faisant aujourd'hui barrage à l'islam des Frères musulmans. Soheib Bencheikh, le mufti de Marseille, est décrit comme un petit bourgeois parachuté, sans Mosquée mais très médiatique. Quant à la Mosquée de Paris, raillée parce qu'elle "se veut le modèle d'un 'islam de paix et de tolérance'", elle est présentée comme "la main d'Alger". Il est vrai que la Mosquée de Paris est liée à l'Algérie mais comme l'UOIF est liée intellectuellement aux Frères musulmans et financièrement à ses mécènes du Golfe, comme la Fédération nationale des musulmans de France, l'autre coalition siège au Conseil français du culte musulman, est liée au Maroc. Il est amusant de noter que cette influence étrangère pose surtout problème lorsqu'il s'agit de discréditer des musulmans laïques, qui souhaitent initier un véritable islam à la française, et pas du tout lorsqu'il s'agit d'islamistes allant chercher dans les pays du Golfe les moyens de bâtir un réseau international destiné à radicaliser les musulmans de France… Une telle exigence serait en effet contradictoire avec la thèse politique défendue par Xavier Ternisien. D'après lui, "la pire des choses serait de diaboliser l'UOIF et de refuser toute négociation avec elle, sous prétexte de ses liens, plus ou moins officiels, avec les Frères musulmans" car, à ses yeux, "l'UOIF peut se prévaloir désormais d'incarner un véritable islam de France".
Seuls les radicaux sont dignes de représenter l’islam de France ?
Le parti pris de Ternisien est clair. Même si l'immense majorité des musulmans de France est acquise aux idées de la laïcité et pratique un islam traditionnel, culturel, de rite malékite, Ternisien est persuadé que seuls les plus radicaux sont dignes de les représenter. Il demande clairement que l'on cesse de mettre en avant des personnalités incarnant cet islam serein au profit des orateurs proposant le retour à un islam fier mais archaïque en guise de résistance à l'impérialisme et à la modernité de l'Occident : "le travail d'un Tariq Ramadan, qui a pris le risque, à de nombreuses reprises, de heurter de front son jeune public, mérite d'être salué et encouragé. Il en va de même pour l'action de Mamadou Daffé, à Toulouse, l'un des rares imams africains à diriger une mosquée fréquentée principalement par des Maghrébins.
Son charisme auprès des jeunes du Mirail est indéniable. Malgré toutes ces qualités, il n'a jamais bénéficié de la notoriété médiatique d'un Soheib Bencheikh." Un discours que l'on retrouve en conclusion de son livre : "Plutôt que de diaboliser inutilement les jeunes musulmans qui se réclament de Tariq Ramadan, il serait préférable d'encourager le travail des éditions Tawhid de Lyon, qui tente de produire et de proposer aux lecteurs musulmans des ouvrages réellement adaptés au contexte dans lequel ils vivent. Plutôt que de critiquer sans discernement l'UOIF, il vaudrait mieux valoriser les personnalités les plus modérées qui oeuvrent en son sein, comme Tareq Oubrou."
À noter toutefois, Xavier Ternisien ne fait plus guère l’éloge de Tareq Oubrou depuis qu'il a pris ses distances avec Tariq Ramadan... Publié le 1er mars 2003, l'un de ses articles s'attache à comparer les deux options représentées par Oubrou et Ramadan sous le titre "L'Islam de France : entre gauche et conservatisme". Malgré sa proximité avec l'UOIF, Tareq Oubrou a publié un livre d'entretien avec Leïla Babès, une théologienne libérale musulmane, dans lequel il reconnaît la nécessité d'adapter l'Islam au contexte occidental, notamment sur la question des droits des femmes (7). On aurait donc pu s'attendre à ce qu'il soit présenté comme le plus progressiste des deux hommes… Pas du tout. Au contraire, cette vision d'une "charia intégratrice qui ne se pose pas en rupture" est présentée comme défendant une "charia de minorité" — une expression typiquement ramadienne pour dénoncer tout mimétisme voire renoncement face aux valeurs occidentales. Ternisien note bien qu'Oubrou cherche à faire évoluer la place de la femme dans l'Islam mais ce questionnement est à ses yeux moins prestigieux et surtout moins révolutionnaire que celui mené par Tariq Ramadan en faveur d'une "morale sociale" et d'un "engagement dans la cité". Une vision qu'il juge "dynamique et englobante" et qu'il décrit comme une "synthèse originale entre la mouvance altermondialiste et un islam réformiste, tenté par un retour aux origines, que certains qualifieront un peu vite de fondamentaliste".
Toujours cette volonté d'empêcher les mots qui gênent… Il est vrai que souligner le fondamentalisme — pourtant évident — du salafisme nuit au prestige d'une démarche que Ternisien préfère qualifier "de type universaliste". Il faut pourtant bien comprendre ce que recoupe ici cette notion d'"universalisme", non pas une valeur propre à tous nous émanciper tous mais bien un projet politique islamique souhaitant conquérir le monde. Car pour Tariq Ramadan l'islam ne doit jamais être une religion de minorité, c'est une religion qui doit délivrer son message au monde… Ce qui l'amène notamment à vouloir islamiser la laïcité plutôt que le contraire. Or cette démarche n'a rien d'un message de paix universelle et surtout, contrairement à ce que voudrait non faire croire Xavier Ternisien, elle est hautement politique. Après avoir asséné que Ramadan "prenait position contre le lobbying" au nom de l'islam, le journaliste est bien obligé d'admettre que l'enjeu se situe tout de même à un niveau politique. Mais tout devient confus lorsqu'il pose cette question aux lecteurs du Monde: "Oubrou tenant d'un islam de droite et Ramadan promoteur d'un islam de gauche ?" On ne comprend décidément pas pourquoi le journaliste a choisi de classer à droite un Oubrou, qui souhaite améliorer le statut des femmes, et à gauche un Ramadan qui souhaite investir le débat public européen au nom d'un islam fondamentaliste, mais on comprend bien à qui va sa préférence… Et de citer une fois de plus en exemple le travail remarquable mené par les éditions Tawhid ou du Conseil européen de la fatwa (UOIF).
C'est dire si le journaliste du Monde ne perd jamais une occasion de "dédiaboliser" l'UOIF ou Tariq Ramadan, quitte à systématiquement faire pâlir l'étoile des leaders musulmans libéraux à leur profit. Car leplus grave dans cette affaire n'est pas que Xavier Ternisien ait un parti pris évident. Il pourrait la défendre en tant qu'intellectuel ou en tant qu'auteur, nous aurions sûrement de beaux débats en perspective. Plus gênant est de voir ce point de vue défendu sans dire son nom, sous couvert d'objectivité journalistique, par un chroniqueur en charge detoutes les questions liées à l'islam et à la laïcité dans les pages du journal Le Monde.
L’actualité passée au filtre de l’intime conviction
Rien n'est plus instructif que de relire d'une traite l'ensemble des articles écrits par Xavier Ternisien depuis 2000. On mesure alors le poids et l'impact de sa rubrique. On mesure surtout la portée des dits et des non-dits, le poids des mots choisis, celui de la hiérarchie des informations, le choix des chutes, des citations mises en exergue, les acteurs interrogés au détriment d'autres, ceux mis en avant et ceux disqualifiés, bref tout ce qui fait la marge de manoeuvre d'un journaliste. Un classique qui prend toutefois une dimension inquiétante lorsqu'il s'agit d'un dossier aussi sensible, entre les mains d'un journaliste aussi déterminé, dans un journal aussi incontournable que Le Monde. Jugez plutôt.
Nous sommes en septembre 2000, un an avant les attentats du 11/09. Il n'y a pas encore de raison de craindre une flambée de racisme sous prétexte de combattre l'islamisme. Mais en tant que spécialiste des questions religieuses, Xavier Ternisien s'intéresse logiquement au succès de conférenciers comme Tariq Ramadan.
L'homme a déjà fait une intervention médiatique remarquée sur le plateau de La Marche du siècle, en 1994, mais sa notoriété est stoppée net dès l'année suivante. Nous sommes alors en pleine série d'"attentats islamistes" et Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur, s'inquiète des manoeuvres de Ramadan au point de lui interdire le territoire français. Un statut de martyr qui lui vaut ses premiers alliés et aussi, déjà, une certaine réputation.
Depuis, Ramadan intervient régulièrement dans les colonnes du Monde diplomatique, où il peut compter sur son ami Alain Gresh, qui deviendra par la suite son coauteur et son co-conférencier (8). Pour le reste, sa notoriété est retombée lorsque Xavier Ternisien lui consacre un article propre à le "stariser" : "Tariq Ramadan l'énigmatique" (9).
Tariq Ramadan l’énigmatique
Le titre pourrait faire croire à un portrait critique. En réalité, il s'agit surtout de montrer que Tariq Ramadan dérange, ce qui lui donne un petit côté sulfureux, intriguant et même séduisant. Bien sûr, Xavier Ternisien agit en journaliste. Il n'omet aucun fait ni aucune des mises en garde adressées depuis des années par les musulmans libéraux, souvent pour mieux les balayer. Il rappelle que Ramadan est le petit fils du fondateur des Frères musulmans et que sa pensée est proche de celle d'Hassan al-Banna mais le laisse affirmer qu'il sait la replacer dans un certain contexte (sans dire en quoi) et qu'il n'a plus aucun lien avec ce mouvement (sans le prouver).
Il note que son prénom, Tariq, ne doit rien au hasard puisqu'il évoque celui du premier chef musulman à avoir conquis l'Espagne — Tariq Ibn Ziad —, celui dont la mission était de conquérir l'Europe. Mais Xavier Ternisien nous rassure : "dans la mémoire familiale, le prénom de Tariq n'a pas ces accents belliqueux. Il signifie simplement le deuil du retour, l'implantation définitive au coeur de l'Europe." Ca tombe bien, Tariq Ramadan veut justement faire de l'Europe sa terre de témoignage, autrement dit de prosélytisme. Ternisien vous dira que son message est plutôt positif, même si la Ligue de l'enseignement et bon nombre de ses ex-collaborateurs jugent son "approche dangereuse". Le journaliste note bien que Tariq Ramadan enseigne aux jeunes musulmans que le voile est "une obligation", ce qui est une interprétation particulièrement sévère du Coran puisque d'autres musulmans l'interprètent comme une simple prescription, mais il vous dira que Ramadan ne souhaite pas qu'il "soit l'objet d'une contrainte". Ce qui veut tout dire, à moins que cela ne soit le contraire… Enfin, Xavier Ternisien pose une très bonne question : "Tariq Ramadan est-il un 'musulman européen', un intellectuel éclairé qui cherche à définir un modèle musulman original, adapté à l'Occident ? Ou bien est-il le continuateur de son grand-père, dont on cite encore cette phrase : 'Dieu est notre but, le prophète est notre modèle, le Coran est notre loi, la guerre sainte est notre chemin, le martyre est notre souhait'" ? La question est très bonne mais le journaliste n'y répond pas. On ne peut pas vraiment lui reprocher, chacun pourra y répondre en fonction de ce qu'il a cru comprendre ou pas, ce qui reste un compromis journalistique acceptable.Une chose est sûre, Ramadan est revenu dans le débat intellectuel français.
Voilà qui tombe à pic. Bientôt la droite revient au pouvoir et Sarkozy inaugure en grandes pompes le CFCM, le Conseil français du culte musulman — que tous les ministres de l'Intérieur avant lui avaient différé par peur de légitimer les courants radicaux de l'islam. Sarkozy n'a pas les mêmes scrupules. Il s'empresse de boucler l'affaire, quitte à offrir le CFCM sur un plateau à l'UIOF, notamment grâce à un découpage électoral pensé en fonction des mètres carrés des mosquées propre à favoriser un mouvement qui achète des hangars en guise de lieux de cultes. Devant la commission Stasi, Sarkozy reconnaîtra un peu plus tard que le CFCM "n'est peut-être pas l'archétype de la bonne décision". Mais il refuse que l'on considère l'UOIF comme "un bloc monolithique". Autrement dit, ce qui est fait est fait. Après la bourde sur la Corse, pas question de reconnaître qu'on s'est planté sur ce dossier-là aussi.
Moins de vagues il y aura autour de l'UOIF, moins le CFCM de Sarkozy pâlira, moins il perdra des chances de concurrencer Chirac aux prochaines élections… Ça tombe bien, au Monde, il existe un journaliste qui tient par-dessus tout à ne pas "diaboliser" l'UOIF !
Ne surtout pas diaboliser l’UOIF !
La couverture du CFCM par Xavier Ternisien est un modèle du genre.
Pas une ligne sur le fait que son Conseil européen de la fatwa vient d'approuver les attentats kamikazes. En effet, lors d'une session réunie à Stockholm en juillet 2003, ce conseil a émis une fatwa décrétant que les opérations kamikazes étaient parfaitement licites : “Les opérations martyres perpétrées par les factions palestiniennes pour résister à l’occupation sioniste n’entrent en aucun cas dans le cadre du terrorisme interdit, même s’il se trouve des civils parmi les victimes”(10).
Parmi les raisons invoquées, la branche européenne de l’UOIF explique que de toute façon "les soi-disant civils sont des soldats de l’armée des fils de Sion" et que "même avec le temps, des soi-disant civils [israéliens] ne cessent pas d’être des envahisseurs, des oppresseurs malfaisants et tyranniques". Instructif, mais ne comptez pas sur Le Monde pour vous l'apprendre. Ni pour critiquer la façon dont se sont déroulées les élections du CFCM (un tiers des sièges raflés par l'UOIF) et encore moins pour relever que cette initiative a le tort indéniable de faire croire que l'islamisme et l'islam libéral peuvent cohabiter, quitte à légitimer les extrémistes au détriment des musulmans qui, hier encore, représentaient l'islam français. En réalité, ce que reproche surtout Ternisien à Sarkozy, c'est d'avoir pris la précaution de réserver la présidence du CFCM à la Mosquée de Paris !
D'une façon générale, ses articles ont discrètement mais sûrement disqualifié tous les musulmans libéraux critiques vis-à-vis du CFCM. De nombreuses structures réunissant des musulmans laïques sont nées en 2002 pour faire contre-poids au CFCM. Parmi elles, le Mouvement des musulmans laïques de France dénonce "l’intégrisme islamique qui envahit les cités tout en éclipsant la majorité des musulmans, c’est-àdire les modérés". Fondée il y a plus longtemps, une autre association, l'AIME, se bat pour défendre la parole des athées et des laïques dans le monde arabo-musulman mais aussi au nom des Français issus de l'immigration. Ces voix sont intéressantes. Elles représentant surtout un sentiment très répandu parmi les 5 à 6 millions de musulmans français, largement intégrés et déconfessionalisés.
Pourtant Le Monde ne vous les fera pas entendre. Quand il ne les passe pas sous silence, Xavier Ternisien va jusqu'à accuser d'apostasie certains de ces leaders musulmans rationalistes et laïques. Aussi ahurissant que cela puisse paraître, c'est bien ce qu'il a fait à l'encontre de Rachid Kaci, fondateur du Conseil français des musulmans laïques.
Cette association et son président ont perdu toute crédibilité après qu'un article de Xavier Ternisien ait sous-entendu — à tort ! — que Kaci s'était converti au christianisme… Ce qui, au passage, est passible de la peine de mort pour un musulman. Il est vrai que Kaci a un défaut : il milite à droite. Est-ce une raison suffisante pour le pointer du doigt comme apostat ? En fait, Kaci a un autre défaut… Il a témoigné contre Tariq Ramadan lors du procès intenté aux Cahiers de l'Orient et à Antoine Sfeir, un procès couvert par Xavier Ternisien pour Le Monde. Cette attitude lui vaut sans doute des rancoeurs. En tous cas, sa disgrâce a une conséquence. Plus aucune voix crédible ne parvient à émerger pour mettre en garde contre l'UOIF.
Désormais, lorsque des journalistes souhaitent avoir le sentiment du CFCM sur le voile, c'est souvent le président de l'UOIF, Fouad Alaoui, que l'on retrouve au micro, sobrement présenté comme vice-président du CFCM… Le même peut parader sur les plateaux de télévision comme lors de l'émission Cultures et dépendances. Autant dire qu'avec le temps, grâce à cette banalisation, l'UOIF finira bien par faire son trou. La commission audiovisuelle du CFCM, en charge de l'émission sur l'islam diffusée le dimanche sur France 2, a failli tomber dans son escarcelle. L'UOIF ne le cache pas, c'est ce qu'elle vise depuis le départ. Entre autres. En attendant, acte I, la venue de Sarkozy au congrès annuel de l'UOIF est tombée à pic pour relancer le débat sur le voile et donc lui offrir une certaine visibilité. Il ne manque plus que des héroïnes à la mesure du rôle pour que l'acte II puisse commencer. C'est alors qu'entrent en scène Alma et Lila Lévy !
Inespérées Soeurs Lévy...
Le casting est prodigieux, pour ne pas dire miraculeux. Qui pouvait rêver mieux que deux filles, issues d'une mère kabyle et d'un père juif athée (accessoirement avocat du MRAP), pour incarner la cause des filles voilées ! Elles sont parfaites, enfin presque. En tendant l'oreille, on entend tout de même des ratés. Ainsi, juste avant de se rendre au Conseil de discipline, voici ce que Lila Lévy répond à une journaliste de France 3 qui lui demande si elle et sa soeur sont prêtes à faire des efforts pour éviter l'exclusion : "Des efforts, on en a déjà fait… Maintenant, les FRANÇAIS, c'est à eux d'en faire !" Ah bon, parce que Lila et Alma ne se considèrent pas comme françaises ? On croit à un dérapage mais nouveau malaise sur le plateau de Thierry Ardisson, quelques jours plus tard. L'animateur demande à Lila et Alma si leur nom, Lévy, n'est pas trop difficile à porter. Réponse d'Alma : "Non, non... ça va. Au contraire, mon frère ça l'arrange quand il va chez le banquier !" répond-elle avec un clin d'oeil et un sourire entendu. Un beau cliché antisémite glissé en douceur. Le père toussote un peu. Mouloud Aounit, le président du MRAP, présent sur le plateau, ne dit rien. Ardisson sourit et rigole. Bref, personne ne trouve à redire. Tout le monde peut continuer à présenter Lila et d'Alma peut comme des victimes du racisme. En tout cas les frères Cohn-Bendit sont conquis.
Et ils le disent dans une tribune publiée dans Le Monde: "L'école laïque voudrait soumettre, au nom de l'émancipation, deux jeunes filles en révolte contre le père et la mère. Elles refusent de se soumettre. Bravo!".
Un peu paternaliste, franchement niais même, mais quel sacre ! Faire en sorte que toutes les filles se sentent obligées de porter le voile à l'école devient le nouveau mai 68 ! Cours petite soeur, l’avant-garde est derrière toi ! Qu'est-ce qu'elles m'ont raconté mes copines du MLF déjà ? Ah, oui qu'elles avaient lancé le mouvement en réaction au machisme de leurs camarades soixante-huitards, lesquels pensaient que la libération des femmes pouvait bien attendre le grand soir et que le "pouvoir était au bout du phallus"…
Le voile, acte III
Décidément, il y a comme un vent de régression dans l'air. Et l'on ne voit pas bien ce qui pourrait l'arrêter. Surtout qu'à en croire Xavier Ternisien, les députés de la mission Debré chargé de proposer une loi contre les signes religieux à l'école commenceraient à douter. C'est en tout cas le titre de son article en date du 10 septembre 2003. À l’intérieur, on apprend que les membres "paraissent avoir nuancé leurs positions". Bref, une loi ne serait peut-être pas une bonne idée. Tout est au mieux dans le meilleur des Monde. Pardon, j'oubliais, il y a encore quelques satanés laïques qui s'obstinent à résister. Heureusement, pour les discréditer, il existe un mot tout trouvé : "islamophobes".
Une trouvaille des islamistes, idéale pour faire passer toute critique de l'islam voire de l'islamisme pour du racisme. Un mot introduit en France par Tariq Ramadan et diffusé depuis par Alain Gresh dans Le Monde diplomatique, Mouloud Aounit du MRAP et, bien sûr, Xavier Ternisien dans Le Monde. Dans un article en date du 11 mai 2002, Xavier Ternisien insiste sur le “danger de l’islamophobie”, moins dénoncé selon lui que le danger “judéophobe” (un terme tout aussi problématique) : "sans minimiser la gravité de ces actes, il n’est pas inutile de rappeler que les musulmans restent les principales victimes d’un racisme au quotidien”, explique-t-il dans un article ressemblant à une tribune(11). Les faits démentent cette affirmation. En effet, selon la commission des droits de l’homme, en 2002, les actes antijuifs ont été de loin les plus nombreux que les actes antiarabes ou antimusulmans avec 193 faits et 731 menaces antisémites, soit six fois plus qu’en 2001(12).
Qu'importe. Le mot "islamophobie" est là et il fait son effet. Il va notamment permettre de jeter l'anathème sur ProChoix. Nous sommes au moment de l'affaire des soeurs Lévy. Pierre Tévanian et quelques autres militants favorables à l'entrée du voile à l'école ont organisé une manifestation de soutien. Le communiqué appelant à manifester a notamment été publié sur le site de l'UOIF. Xavier Ternisien couvre l'événement. Son article, co-signé avec Caroline Monnot, est intitulé "le voile divise l'extrême gauche"(13). Je reçois un coup de fil d'une amie. "Tu as lu Le Monde ?" Non. "Tu es bien assise ?" Oui. "Xavier Ternisien a encore frappé et devine qui est visé ?" Mon petit doigt me dit qui… Je m'y attendais un peu, sachant que Xavier Ternisien a reçu les épreuves de Tirs Croisés, plutôt critique vis-à-vis des pages "religions" du Monde, mais quand même ça fait un choc.
Pour l'avoir retracé dans le livre, je connais l'histoire du mot "islamophobie". Je devrais le prendre plutôt comme un hommage étant donné que Rushdie et Taslima Nasreen ou encore Kate Millet l'ont subi avant ProChoix mais quand même, j'ai le sentiment que la revue est salie. Oubliées les années de lutte contre le FN et les intégristes catholiques, celles passées à dénoncer le sexisme, le racisme et l'homophobie, ProChoix est désormais connue comme la "revue en pleine dérive islamophobe". Un sacré soupçon, difficile à encaisser pour des militants antiracistes, mais face auquel il va bien falloir trouver la force de se défendre. Je suis tout particulièrement en colère contre Femmes publiques, l'association à qui Ternisien attribue cette citation. Jamais entendu parler de cette association féministe. Je tape leur nom sur internet.
Non sans ironie, c'est un article du Monde qui m'apprend qu'elle est toute récente et qu'elle s'est fait connaître en critiquant toutes les autres associations féministes. Le téléphone sonne. C'est un militant de Femmes publiques. Il est contrit : "Je vous jure que ni moi ni Malika n'avons jamais dit ça de ProChoix !" Il semble que Xavier Ternisien leur ait tout particulièrement demandé de s'exprimer sur ProChoix. Il aurait pris la liberté de résumer leur échange et de mettre ces mots dans leur bouche… Femmes publiques envoie aussitôt un rectificatif, que Le Monde fera paraître en bas d'une page quelques jours plus tard. Entre-temps, Xavier Ternisien n'aura pas chômé. Le lendemain de l'article accusant ProChoix de "dérive islamophobe", il a publié un article intitulé "du racisme antiarabes à l''islamophobie" pour rendre compte du colloque du MRAP consacré à l'"islamophobie". Le surlendemain, il écrit un papier qui prend à mot couvert la défense de Tariq Ramadan.
Sa tribune dénonce les intellectuels juifs comme étant naturellement d'indécrottables sionistes mais à lire Ternisien on se dit que les réactions sont peut-être excessives et que Ramadan n'est pas forcément antisémite.
Le surlendemain encore, c'est le bouquet : l'UOIF serait pour une loi interdisant le voile à l'école ! C'est en tout cas ce qu'affirme l'article de Xavier Ternisien, qui semble avoir déniché un militant déclarant en privé et donc de façon anonyme: "si le foulard était interdit, il serait plus simple d'argumenter auprès des jeunes filles, d'un point de vue théologique, et de leur demander de l'enlever à la porte de l'école". Étonnant et surtout assez peu représentatif quand on sait que l'organisation milite depuis 1989 pour le voile à l'école… mais si un militant anonyme interviewé par Xavier Ternisien le dit ! Après trois jours d'embarras toutefois, l'association finit par démentir. Pas dans Le Monde — dont les lecteurs croient toujours que l'UOIF veut interdire le voile à l'école ! — mais sur son site internet, qui n'est lu que par une poignée d'intéressés. C'est dire si la semaine a été riche en émotions. Et je ne vous parle pas de la confusion qui règne alors dans le débat public. Il faut une énergie démentielle pour tenter de clarifier un peu les choses, notamment sur l'origine du mot "islamophobie" et sur la personnalité à double tranchant de Tariq Ramadan.
Heureusement, sa présence au FSE crée une actualité et certains médias servent un peu d'antidote. Même les pages débat du Monde ont accepté de passer la tribune de Bernard Henri-Lévy sur le "vrai visage de Tariq Ramadan". Ce qui nous change des tribunes comme la "charia incomprise", dans laquelle Hani Ramadan (le frère) avait pu justifier la lapidation des femmes et le sida comme un châtiment divin (14). Un propos à méditer, surtout lorsque l'on sait qu'Hani Ramadan déclare former avec son frère les deux faces d'une seule et même pièce. Autant dire qu'à terme le charme de Tariq Ramadan a des chances de finir par s'évanouir..Hélas, à peine Tariq Ramadan égratigné, Xavier Ternisien semble avoir trouvé un nouveau héros à nous proposer. Il s'appelle Amr Khalid et, bien sûr, ce n'est pas un musulman laïque ou libéral mais l'un des prédicateurs vedettes de l'UOIF. Même si Ternisien voit en lui "un petit côté éthique protestant à la Max Weber" ! Le même article vante les mérites de son site, islamonline.net, dont on apprend qu'il est présidé par Youssouf al-Qaradawi. L'article ne fait aucune précision susceptible d'éclaire les non-initiés au sujet de ce personnage sulfureux. Il aurait pourtant pu rappeler qu'il s'agit du théologien vedette des Frères musulmans, celui qui incite ses fidèles à battre leurs femmes si elles se montrent indociles, celui aussi qui a délivré la fatwa autorisant les attentats kamikazes mise en avant par le Hamas en guise de justification théologique ! Mais non. Xavier Ternisien ne dit rien des aspects gênants de l'UOIF.
Au contraire, il a même choisi de les présenter comme un modèle de tempérance puisqu'il écrit : "L'Union des organisations islamiques de France (UOIF), réputée proche des Frères musulmans, faisait tout pour éviter que le conflit soit interprété comme une guerre de religions". À noter, l'UOIF n'est plus proche des Frères mais simplement "réputée proche des Frères" et surtout cette phrase ne veut rien dire (relisez-la, c'est un modèle du genre), elle n'avance aucun fait ni aucune preuve, mais elle fait son effet et elle donne le sentiment d'une organisation modérée. C'est Nicolas Sarkozy qui va être content ! Le journaliste et le ministre de l'Intérieur semblent en effet d'accord pour estimer que l'adoption des Frères musulmans tendance UOIF est la seule façon d'intégrer les musulmans de France, quitte à confondre islam avec islamisme et à ne gérer le dossier de l'intégration que par la voie sécuritaire et religieuse.
Un seul choix : la peste ou le choléra ?
À ce sujet, la conclusion du dernier article en date de Xavier Ternisien est proprement effrayante : "Beaucoup de commentateurs occidentaux qui diabolisent aujourd'hui les nouveaux intellectuels musulmans feraient bien d'y réfléchir : à soutenir envers et contre tout un islam officiel largement discrédité, ils pourraient bien faire le jeu du pire, celui du salafisme d'inspiration wahhabite, qui a le vent en poupe dans les banlieues françaises et ne demande qu'à devenir la référence". Il y a tout dans cette phrase. Les prédicateurs des Frères musulmans sont devenus "les nouveaux intellectuels musulmans" et les autres ne sont plus que de vieilles choses démodées.
L'islam officiel est enterré sans autre procès. On le dit "largement discrédité", mais par qui est-il discrédité ? Si ce n'est, depuis des années, par ce même journaliste qui a décidé aujourd'hui de lui porter un coup final. Vous hésitez encore à les lâcher ? Xavier Ternisien sort l'argument de choc.
Que vous le vouliez ou non, les Frères musulmans sont la seule alternative : c'est eux ou les Wahhabites. Pourtant j'avoue qu'entre le salafisme à la sauce égyptienne ou le salafisme à la sauce saoudienne, j'hésite encore... Dans les deux cas, je ne suis pas sûre de digérer, ni d'accepter cette vision apocalyptique tendant à faire des banlieues des lieux irrécupérablement fanatiques. De même que je refuse d'être considérée comme une "occidentale" simplement parce que je crois à un islam laïque ! Comme s'il y avait les banlieues d'un côté et les occidentaux de l'autre… Je comprends maintenant ce que voulait dire Lila Lévy par "Les Français, c'est à eux de faire des efforts". Mais je refuse qu'on nous enferme dans cette définition raciste des identités. Désolée, monsieur Ternisien, mais le choix que vous nous proposez est inacceptable. Et nous nous y opposerons, avec nos amis musulmans libéraux, pour sauver l'islam de France et pour sauver la laïcité, quel qu'en soit le prix à payer. Notre dernière enquête sur l'UOIF nous a déjà valu des menaces, le plaisir d'être suivies dans la rue et puis cet avertissement venu d'un vieux monsieur barrant la route à Fiammetta Venner dans la rue : "Mademoiselle. Arrêtez d'embêter les frères." Je ne sais pas ce que nous coûtera ce nouveau numéro de ProChoix, ni en terme de sécurité physique ni en terme de visibilité dans les cénacles médiatiques du grand quotidien du soir. Beaucoup de mes amis m'ont conseillé d'arrondir les angles. Je n'y suis pas arrivée. Je refuse d'y arriver. L'enjeu est trop important.
Il existe une alternative...
On ne sait jamais quoi faire face lorsqu'un quotidien aussi incontournable que Le Monde semble parasité par un journalisme aussi partisan. Il existe pourtant bien d'autres plumes, au sein de cet auguste quotidien, comme celle de Philippe Bernard, qui connaît le sujet et couvre depuis des années les luttes des musulmans contre le fanatisme, mais ce n'est pas lui qui est en charge des pages "religion" ! Moralité, tant que Xavier Ternisien sera le seul filtre de l'actualité sur l'islam de France au Monde, vous saurez ce qui vous reste à faire : vous armer d'esprit critique ! Dans la conclusion de son livre sur la France des Mosquées, Ternisien avoue s'interroger sur "ce que doit être une attitude juste à l'égard de l'islam.
Comment éviter à la fois la tentation de la fascination et celle, inverse, du dénigrement ?" Il semble avoir trouvé une réponse : tout pardonner aux Frères musulmans simplement parce qu'ils ont du succès, quitte à leur faire la courte échelle pour conquérir l'islam de France. Cette solution ne peut-être celle de militants et d'intellectuels qui croient encore à la force des idéaux de liberté découlant de la laïcité et qui sont allergiques aux idées totalitaires, qu'elles soient nazies, staliniennes, intégristes chrétiennes ou islamistes. Avec Fiammetta Venner, nous nous sommes posé exactement la même question que Xavier Ternisien mais nous n'avons visiblement pas trouvé la même réponse. Nous avons choisi de tout faire pour dédiaboliser l'islam en tant que religion tout en ne faisant aucun cadeau à l'islamisme. Le résultat s'appelle Tirs Croisés : la laïcité à l'épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman. Il défend la thèse selon laquelle l'islam n'est pas une religion pire qu'une autre et revendique une critique radicale envers tous les intégrismes. Voilà un moyen de défendre la laïcité sans stigmatiser une catégorie de croyants ! Il faut résister à ceux qui voudraient nous faire croire à un choc des civilisations ou même des religions mais pas au prix d'abandonner notre esprit critique envers les intégristes.
Car le débat en cours n'oppose pas des promusulmans et des racistes, ni même des chrétiens et des musulmans mais bien des conscients et des inconscients. Or il est temps d'avoir conscience que la ligne de partage doit se situer entre les laïques et les intégristes de toutes les religions, tous fondamentalement d'accord pour s'opposer à une loi contre les signes religieux à l'école et prendre la laïcité sous leurs tirs croisés ! Que pensez de cette dépêche dans laquelle Christine Boutin se dit favorable au voile, à l'école et au travail ? Ou de cette autre annonçant que l'association de Bernard Antony (FN), Chrétienté et solidarité, organise une manifestation pour protester contre une loi interdisant les signes religieux à l'école.
Finalement, Tincq avait raison… C'est bon de retrouver ses repères ! En l'occurrence de vieux ennemis, chrétiens, qui n'ont pas été plus tendres que ne s'apprêtent à l'être les islamistes français. Au moins, en ce temps-là, toute la gauche et l'extrême gauche faisaient corps contre les "croisés de l'ordre moral". Tandis qu'aujourd'hui, ce sont les laïques qui se font traiter de "croisés". Vous me direz, à force de défendre la laïcité face à autant d'ennemis, l'armure finit par s'imposer ! Puisque la résistance est à ce prix…

Notes

(1) " La concorde fait rage : sur le ‘nouveau pacte laïque’ », Les Temps Modernes, aoûtsept. 1999, n° 605.
(2) Pena-Ruiz Henri , Qu'est-ce que la laïcité ? , Paris 2003, Folio, 350 p.
(3) Tincq Henri, Dieu en France. Mort et résurrection du catholicisme, Calmann-Lévy, 2003, 302 p.
(4) Tincq Henri, « Europe : Dieu en disgrâce ? », Le Monde, 12 juin 2003.
(5) Ternisien Xavier, « Pourquoi la polémique sur le foulard à l’école ? », Le Monde, 17 juin 2003.
(6) Malgré la discrétion dont il est censé faire preuve en raison de sa participation à la commission Stasi, René Rémond a tenu ces propos devant les évêques de France, réunis en assemblée plénière à Lourdes, et Xavier Ternisien y a consacré tout un article dans le Monde du 6/11/03.
(7) Babès Leïla, Oubrou Tareq, Loi d’Allah, loi des hommes. Liberté, égalité et femmes en islam, Paris, Albin Michel, 2002, 364 pages.
(8) Alain Gresh et Tariq Ramadan ont écrit des livres ensemble et font régulièrement des conférences communes. GRESH Alain, RAMADAN Tariq, L’Islam en questions, Arles, Actes Sud, 2002, 344 pages. Voir aussi “Après le 11 septembre, vers quel dialogue des civilisations ?”, une conférence éditée sous forme de cassette vidéo par les éditions Tawhid.
(9) Le Monde du 29/09/00.
(10) “Qaradhawi favorable aux opérations suicides lors d’une conférence islamique en Suède”, MEMRI (Institut de recherche médiatique du Moyen-Orient), dépêche spéciale n°542, 28 juillet 2003.
(11) Xavier TERNISIEN, “Le danger de l’Islamophobie”, Le Monde, 11 mai 2002.
(12) UEJF, SOS Racisme, Les Antifeujs. Le livre blanc des violences antisémites en France depuis septembre 2000, Paris, Calmann-Lévy, 2002, 232 pages.
(13) Le Monde du 9 octobre 2003.
(14) Le 22 septembre 2001, le même a pu profiter du lectorat du Monde pour relativiser, tout en les justifiant, les châtiments corporels contenus dans la loi islamique. Le directeur du Centre islamique de Genève – congédié de l’instruction publique suisse pour son extrémisme – a notamment publié un livre édifiant sur La Femme en islam. Contrairement à son frère, il y dévoile une conception très clairement antilaïque et antiféministe : “Le voile, en islam, est le signe de la soumission de la croyance aux commandements divins. Pourquoi donc vouloir empêcher une jeune lycéenne d’exprimer sa conviction ? La contraindre à se dévoiler, n’est-ce pas refaire le geste de l’inquisition impitoyable et des bourreaux communistes ?” Et de conclure : “Contre les extrémistes laïcs, l’islam restera en tous les cas une école de sagesse et de tolérance : « Pas de contrainte en religion », dit le Coran (2 ; 256). Leçon que les tortionnaires laïcs ne nous ont pas apprise !”