Abdelwahab Meddeb

Affaire Redeker : blasphème ou liberté d'expression?
L'integralité du débat avec l'auteur de La maladie de l'Islam (Paris: Seuil,2002)
Lemonde. FR., 3 octubre 2006

            Vanessa : Etes-vous d'accord avec Redeker sur une violence intrinsèque de l'islam?

            Abdelwahab Meddeb : Je ne peux pas être d'accord, car si je le suis, il faudrait que je me considère comme un monstre irrécupérable, porteur de haine et un monstre le couteau entre les dents. M. Redeker généralise et ce qu'il dit est proprement abject. C'est très précisément l'équivalent des pires discours antisémites. On peut comparer ses écrits à ceux de Céline, avec évidemment le talent en moins.

            Susan : Les propos de M. Redeker sur l'islam et le prophète Mohammed sont "extrêmes" comme ses défenseurs eux-mêmes le disent. Mais, ils avouent, il a le droit de s'exprimer, même si ses avis sont extrêmes ou s'ils font mal. Comment justifie-t-on, donc, des lois interdisant des avis extrêmes au sujet de la Shoah et les avis jugés racistes ou antisémites?


            Abdelwahab Meddeb :
Des discours ont été suscités autour de l'affaire Dreyfus, par exemple. Il y a en effet des lois contre cela. Ou il y a des lois qui concernent tout le monde, ou pas de loi. Il faudrait que vous lisiez la lettre que j'ai envoyée à ceux qui sont à l'origine de la pétition pour Redeker et qui paraît dans la rubrique "Courrier" de Libération. Vous verrez clairement ma position.
            Malgré mon refus total du texte de Redeker, j'ai accepté de signer cette pétition. Pourquoi ? non pas en soutien à Redeker, mais contre le règne sauvage et inacceptable des fatwas, qui ne doivent pas être acceptées en pays d'islam même et qui a fortiori ne peuvent être acceptées dans un pays comme la France et la tradition séculaire du droit qui passe par de tout autres procédures.
            Pour l'expression deux poids, deux mesures, c'est un cliché, mais qui hélas correspond à un état de fait. Le plus grave, c'est que des intellectuels s'y prêtent. Que des politiques le fassent, cela peut, malgré le préjudice éthique, se comprendre. Mais que des intellectuels procèdent de la même manière, là il importe de relever la malhonnêteté que cela implique.

            Uzan : Le Coran, que je ne connais pas, méprise-t-il réellement tout infidèle, et préconise-t-il vraiment la conquête au fil de l'épée, ou bien sont-ce seulement des formules symboliques que les pouvoirs utilisent pour manipuler des foules fanatisées?


            Abdelwahab Meddeb : Le texte coranique très exactement comme la Bible est ambivalent. Il comporte des versets qui mettent en perspective, explicitement, le respect de l'altérité religieuse, particulièrement celui qu'il appelle les gens de l'écriture, i.e. les juifs et les chrétiens, auxquels les exégètes ajoutent parfois les mazdéens ou les manichéens, ou même les bouddistes.
            Et d'autres versets, qui réclament le fil de l'épée pour les païens, et un autre qui est un verset fétiche pour les intégristes actuels, c'est précisément le verset 29 de la sourate 9, qu'on appelle le verset de l'épée, et qui ajoute aux païens le combat guerrier, féroce contre les juifs et les chrétiens du fait qu'ils sont gens d'écriture mais ne suivant pas la religion vraie. A la seule condition qu'ils acceptent de payer la dîme du minoritaire et un statut d'humilié.
            Donc c'est une question d'interprétation. Les musulmans libéraux s'appuient sur les versets qui tiennent compte de l'altérité, et il y a deux versets qu'ils aiment beaucoup : le verset 256 de la sourate 2, qui dit "point de contrainte en religion", et un autre qui réclame aux croyants musulmans de discuter avec les autres monothéistes de la "plus belle des manières".
            L'expression est devenue une expression figée en langue arabe, et est invoquée chaque fois qu'on discute autour d'un désaccord pour réclamer de l'adversaire d'accepter d'écouter l'autre et de se plier au code de civilité qu'implique toute discussion.
            Ce même verset rappelle que ce sont les voies entre juifs, chrétiens et musulmans qui divergent, mais que le but est le même : il s'agit du même Dieu. Et plus encore, il est dit qu'en dernière instance personne, sinon Dieu, ne connaît la vérité. Un tel verset ouvre donc totalement le champ.
            Il y a dans la tradition de l'exégèse coranique la technique de l'abrogeant et l'abrogé, c'est-à-dire que face à des versets contradictoires, l'un devrait abroger l'autre. Et en principe, le critère de l'abrogation est le critère chronologique. Le verset révélé après abroge celui révélé avant.
            C'est cette méthode utilisée avec beaucoup de précaution dans la tradition exégétique qui est reprise par les intégristes actuels, pour affirmer que c'est le verset de l'épée qui a été révélé le plus tard, et abroge donc les autres versets doux. Plus de 100 versets seraient alors abrogés. C'est une interprétation inouïe, qui n'est pas connue dans la tradition, et maximaliste.
            Tout cela pour dire que l'intégrisme qui constitue une déviance par rapport à la tradition constitue vraiment un problème, parce qu'il peut trouver appui dans le texte dans son discours haineux et totalitaire. Mais tout est affaire d'interprétation, et il faut savoir qu'à l'intérieur de l'islam, il y a une divergence dans l'interprétation, mais face à cette manipulation maximaliste du texte, on peut dire que nous sommes dans une guerre des interprétations.

            Salvatore.Pertutti : Simple citoyen, j'ai décidé de lutter contre l'intolérance véhiculée par les religions abrahamiques (sexisme, homophobie...). A ce titre j'ai porté plainte contre un des éditeurs de la Bible et un des éditeurs du Coran. L'instruction judiciaire suit son cours, un procès finira par avoir lieu. Mon but n'est pas de faire interdire la Bible et le Coran, mais de créer un vaste débat autour d'une question simple : les doctrines religieuses sont-elles compatibles avec nos idéaux humanistes d'égalité de sexe et de tolérance ? Que pensez-vous de ma démarche?


            Abdelwahab Meddeb : Je pense qu'il faut plutôt une lecture avisée, vigilante, qui mette en premier nos valeurs actuelles, et qui ramène ces textes, fussent-il considérés comme éternels par ceux qui y croient, à leur contexte d'écriture, qui est un contexte qui correspond d'évidence à un autre âge historique et anthropologique.
Il faut donc une lecture "neutralisante". Il faut procéder à une lecture évangélique et de la Bible et du Coran. C'est le littéralisme qui est mortel.

            Oleg : Etes-vous d'accord avec l'autocensure artistique liée à la peur de représailles extrémistes?


            Abdelwahab Meddeb :
J'en ai été moi-même victime. Je trouve cela absolument inacceptable. En France, cet état d'esprit commence à s'installer, ce qui est très grave. Mais il est déjà en acte dans les pays anglo-saxons, en raison de leur tradition multiculturaliste et du politically correct que cela exige. C'est-à-dire cette vision qu'on trouve déjà à l'époque coloniale parfaitement explicitée dans la tradition anglo-saxonne par Kipling.
            Vous êtes ce que vous êtes, je suis ce que je suis, jamais vous ne serez ce que je suis, jamais je ne serai ce que vous êtes. Vous avez à respecter ce que je suis, j'essaie de respecter ce que vous êtes.
            Cette attitude est très grave et figeante, elle annule ce que j'appelle l'universalité du dépassement, à laquelle je crois profondément, qui est celle, je crois, de la tradition française par opposition à celle exprimée dans l'horizon anglo-saxon.
            Je voulais pour mon dernier livre avoir comme couverture une très belle image d'une peinture musulmane, encadrée par un clerc musulman, commandée par un prince musulman, qui vient de la ville de Herat, qui se trouve en Afghanistan actuellement, du début du XIVe, et qui montre pour la première fois en islam l'image du Prophète.
            Une très belle image d'un Prophète en pleine méditation philosophique, angoissé, comme le dit le récit traditionnel, quand il reçoit pour la première fois l'ange Gabriel qui va lui dicter le Livre. Et le peintre, avec une intuition extraordinaire, a composé sa peinture en empruntant le schème de composition des Annonciations dans la tradition chrétienne. A la place de la Vierge, il a installé le Prophète, et l'ange à gauche, avec toujours un élément de séparation : ici, c'est le rocher.
            Donc une intuition extraordinaire qui confirme ce qu'il m'est arrivé de dire dans un de mes livres : la posture mariale de Mahomet dans la réception du Verbe. Cette peinture est conservée à la bibliothèque de l'université d'Edimbourg, et je l'analyse dans le chapitre qui ouvre mon livre Contre-prêche. Je voulais en bonne logique que l'ouverture soit le commentaire de la couverture.
            Or voilà que les conservateurs de la bibliothèque ont refusé de nous donner les droits de reproduction. Les raisons qu'ils ont évoquées sont doubles : 1) on ne veut pas recevoir de bombe sur la tête ; 2) nous respectons nos amis musulmans qui n'aiment pas cette image.
            Vous voyez donc l'extrême gravité d'un tel acte de censure, absolument inacceptable. Lorsque l'autre se trouve dans une situation catastrophique, dans la négation de son propre legs civilisationnel, on l'enfonce encore plus dans l'état catastrophique dans lequel il se trouve.
            On le renvoie à sa différence, qui ne concerne que lui, alors qu'un de nos rôles, me semble-t-il, pour essayer de sauver l'islam de la situation catastrophique dans laquelle il se trouve aujourd'hui, c'est de mener un travail d'anamnèse, la levée de l'oubli, en fait, et lui rappeler toutes les audaces qui ont été pensées dans sa propre tradition, sa propre culture, sa propre civilisation, sa propre histoire.
            Et croyez-moi, le catalogue de telles audaces est profus. Et c'est à partir de ces audaces-là que le musulman actuel peut voir qu'il y a eu des esprits libres qui ont agi dans sa tradition, et qu'à partir de ce fonds, il a les moyens de s'articuler avec la liberté que nous propose la modernité. Voilà ce qu'empêche un tel acte de censure. C'est grave et inacceptable.

            Lynce : Faut-il oui ou non des lois qui interdisent des propos comme ceux de Redeker?
            Sirius2 : Que la loi Gayssot soit une mauvaise loi, déplorée par les historiens eux-mêmes, est-ce une raison pour appeler à une loi anti-islamophobie qui ne ferait qu'aggraver les choses et pousser à la violence des deux côtés?


            Abdelwahab Meddeb : Il faut des lois pour tout le monde. Je me suis déjà prononcé là-dessus, notamment sur la loi sur les bienfaits du colonialisme. Je suis plus pour le travail de la pédagogie. Que l'infâme s'exprime, nous sommes assez grands pour répondre. L'option didactique, pédagogique que je propose donne crédit à l'intelligence humaine. Je préfère la pédagogie à la répression juridique.

            Tachesblanche : Ne doit-on pas considérer les propos de M. Redeker comme étant de la pure provocation et un appel à la haine et que dans ce cas, il faut l'attaquer en justice?


            Abdelwahab Meddeb : J'ai répondu à tout cela, il me semble. Je préfère démontrer sa malhonnêteté intellectuelle, son manque de pertinence, sa manipulation des références, son ignorance, son manque de travail en tant qu'intellectuel. Tout cela est plus infâmant que de le traîner devant la justice. Je me sens prêt à aller déjeuner même avec le diable sans cuillère au long manche...

            Ramdane : Pensez-vous qu'il est possible de réouvrir l'ancienne tradition de l'Ijtihad, pour plus de tolérance, et pouvez-vous expliquer "Ijtihad"?


            Abdelwahab Meddeb : L'Ijtihad vient de la racine verbale "jhd". Ce verbe signifie "faire effort". L'Ijtihad est celui qui fait un effort novateur d'interprétation. Les théologiens de la grande tradition disaient : tout moujthid, celui qui pratique l'Ijtihad, est "mousîb" : toute personne qui pratique l'Ijtihad ne peut se tromper, "vise" juste, atteint sa cible.
            Il faut s'autoriser à être très moderne dans son interprétation, et cette autorisation peut venir des audaces des anciens, qui sont totalement occultées aujourd'hui dans l'islam qu'on diffuse.

            Anouar : L'islam est-il malade ? Je pense sincèrement que le salut viendra de la femme musulmane. Qu'en pensez-vous?


            Abdelwahab Meddeb : L'islam est malade de l'islamisme. J'ai essayé de le démontrer dans La Maladie de l'islam, paru en 2002. Cela me paraît manifeste.
            La maladie devient très grave par ce que j'ai appelé l'islamisme diffus. L'islamisme militant, même s'il est déterritorialisé comme avec Al-Qaida, on peut le circonscrire, situer l'ennemi. L'islam officiel n'en veut pas. Mais l'islamisme diffus, c'est la concession faite par l'islam officiel au message islamiste et à la lecture irrédentiste de la face obscure du Coran, au détriment du versant Mont des oliviers.
            Ce qui fait que le sens commun islamique est en train d'intérioriser le message islamiste. Le danger est proprement là. Et un des lieux où cette maladie se manifeste, c'est le traitement fait aux femmes.
            La rédemption viendrait des femmes, certes oui, mais encore faut-il que les femmes se révoltent et n'acceptent pas le sort qui leur est fait. Ce que je constate, hélas, c'est que les femmes sont soumises à ce que l'ami de Montaigne, La Boétie, a appelé la "servitude volontaire". C'est elles-mêmes, disent-elles, qui par choix acceptent leur situation inique telle que consignée dans le Coran.
            Il faut rappeler qu'à l'époque de l'écriture du Coran, le statut réservé aux femmes est considéré comme une révolution, du fait même qu'elles deviennent sujets du droit, ce qu'elles n'étaient pas auparavant. Statut inférieur, mais sujets du droit.
            Mais face à l'égalité entière proposée par la modernité, un tel dispositif paraît évidemment totalement dépassé. Que les femmes elles-mêmes réclament, par exemple, le voile, est pour moi le signe patent de cette servitude volontaire. Deux chapitres de mon dernier livre sont consacrés à cette question. Vous pouvez vous y référer.

            Karim : Pourquoi toujours s'arrêter à la religion alors que la solution à tous les racismes est un accord de paix entre Israël et la Palestine, la laïcite puis la démocratie dans les pays arabes et le développement économique et social des populations locales?

            Abdelwahab Meddeb : Vaste programme ! Vous avez raison, mais chaque fois partiellement. Toutes ces réponses convergeraient pour trouver la solution. Je pense que le conflit israélo-palestinien alimente le pire, mais ce n'est pas la raison principale et essentielle. Ce n'est pas la seule raison.
            Il y a une véritable responsabilité américaine dans cette affaire, car les Etats-Unis estiment que le conflit israélo-palestinien est un conflit de faible intensité, maîtrisable, qu'il faut donc même maintenir, car il permet à l'hégémonie américaine d'avoir des lieux manifestes pour se déployer.
            Cette analyse me paraît fausse, car c'est un argument massif entre les mains des islamistes. Et pour ce qui concerne les autres questions, le développement et la démocratie, évidemment leur absence ou leur carence nourrit le pire, mais signalent en même temps l'incurie des Etats post-coloniaux des pays d'islam.

            Yop : Pourquoi les intellectuels musulmans ne créent-ils pas un cercle comme à l'époque des Lumières pour lutter sur l'amalgame que proposent les intégristes?

            Abdelwahab Meddeb : On essaie, certains parmi nous travaillent, écrivent, se manifestent. Je suis très sollicité par les médias. Parfois je m'interroge sur l'efficacité d'une telle participation.
            Une accumulation est en train de se faire. Peut-être que l'idée du cercle est bonne. Il est évident que nous sommes dans un moment décisif où l'essentiel est d'accumuler les œuvres qui utilisent sans concession l'arme de la critique.
            C'est le legs le plus précieux qui m'a été fait par la tradition occidentale et française. La fonction de l'intellectuel critique est essentielle pour le devenir de l'islam.

            Marion ZAPA : Va-t-on vers une nouvelle guerre des religions ? La censure, l'autocensure – ne plus rien dire de l'islam – ne vont-elles pas générer un phénomène réactif de recrudescence de haine?

            Abdelwahab Meddeb : Je ne sais pas, mais il est sûr que ce qui vient d'islam est préjudiciable à l'islam en entier. Personnellement, je lutte contre, j'essaie de trouver les éléments qui ont existé dans l'histoire et la tradition pour ramener l'islam à quelque chose de complexe, d'intelligent, qui honore la sainteté de l'esprit. Pour moi, c'est la sainteté qui compte le plus.
            Guerre des religions, en principe, je ne pense pas. Même si tous les éléments sont là pour que cela s'exprime. Pour une raison très simple : Voltaire disait dans sa correspondance : d'accord, nous parlons de l'islam, mais c'est entre nous.
            L'islam est loin, ils sont fous. Ce que nous disons de l'islam est une affaire interne à l'Europe.
            Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Tout circule, nous vivons cette instantanéité de l'information, les musulmans sont parmi nous, les ignorants comme les savants parmi eux.
            Si le savoir était universellement diffusé, cette instantanéité de l'information, le fait que nous savons tout de ce que disent les uns sur les autres, aurait été merveilleux, car par le savoir, on peut éclairer les manipulations, les errements, démêler les fausses informations des vraies.
            Mener, encore une fois, le travail pédagogique, comme je le fais dans le tout dernier chapitre de Contre-prêche consacré à l'analyse du Mahomet de Voltaire. Mais malheureusement, l'information circule dans l'ignorance. Et évidemment, l'ignorance est toujours porteuse des pires réactions.
            Il y a cet autre élément, très grave : les paroles qui sont émises d'ici sont des paroles du XXIe siècle, et l'islam les reçoit comme entité qui vit encore au XVe ou XVIe siècle.
            Cet anachronisme crée les pires malentendus. Il faut, encore une fois, essayer de négocier une table commune des valeurs et des principes. Et dans cette table, ce n'est pas à l'Europe de s'adapter à l'islam, mais à l'islam de s'adapter à l'acquis européen.
            J'essaie de travailler, d'analyser et d'écrire dans cette direction. La méthode de Contre-prêche s'inscrit dans cette perspective.

            Maria : Tous les intellectuels musulmans et "modérés" sont aujourd'hui par définition en Occident. Est-ce que cela ne contribue pas à empêcher un réel dialogue, et plutôt à l'enfermer chez les Occidentaux, finalement les moins concernés?

            Abdelwahab Meddeb : Il faut nuancer ce propos. D'une part, je rentre de Tunisie, et je sens une vraie crispation. J'ai l'impression que la direction qui existe ici a son équivalent là-bas, chacun se crispe, chacun est en train de mettre l'autre presque à la place de l'ennemi.
            Et il y a une frange, dans les deux espaces, qui refuse cela. C'est une frange quantitativement minoritaire, mais qui peut compter qualitativement.
            Le problème est de savoir comment ces voix peuvent être diffusées dans les médias. Ce sont ces voix-là qui ont pour tâche objective de désamorcer cette tendance au conflit.
            J'attire l'attention sur le fait que le matériau de base, la matière première de Contre-prêche, ce sont des chroniques radiophoniques qui ont été diffusées par Medi1, qui émet à partir de Tanger. Ces chroniques très critiques à l'égard de la crise que traverse l'islam ont eu pour premiers auditeurs les Maghrébins, et tout l'auditoire francophone de cette radio, jusqu'au Liban.
            Outre son écoute sur Internet, car il m'est arrivé de recevoir des messages, et même des échos, de certaines de mes chroniques outre-Atlantique.
            Une de ces chroniques sur la question de l'imamat des femmes a été suscitée par un événement new-yorkais : une musulmane de New York a décidé d'être imam, de prononcer le prône du vendredi et de prononcer la prière. Cela a suscité un immense tollé des docteurs de l'islam, sur place et partout dans le monde islamique.
            Et je ressors deux textes : un du XIe et un du XIIe siècles, l'un écrit par le fameux philosophe Averroès, et un autre par le très grand maître du soufisme Ibn-Arabi, l'un et l'autre légitimant l'imamat des femmes. Donc des médiévaux tellement plus libéraux que les docteurs actuels.
            Lorsque cette chronique a été diffusée à la radio, elle a suscité un immense débat sur le réseau Internet parmi les musulmans, individus ou associations, d'Amérique.

Chat modéré par Constance Baudry