Hélène L'Heuillet

La généalogie de la police

(Cultures & Conflits, printemps 2003)

S'interroger sur la généalogie de la police peut paraître étrange. C'est en effet une généalogie de la politique que l'analyse de la police semble d'abord rendre possible. Si, en effet, on entend par « généalogie » la méthode inventée par Nietzsche, qui consiste à tenter de regarder les phénomènes « par en dessous », c'est-à-dire à soupçonner que la cruauté, la méchanceté et la laideur constituent le ressort souterrain des valeurs de la morale, alors la police paraît bien la face grimaçante de la politique, et le secret, par delà ses apparences idéalisées de celle-ci, de la fondation de la politique dans la violence. Si une généalogie de la morale ou de la politique ont donc alors un sens, en revanche il semble que l'on ne doive pas attendre grande révélation d'une généalogie de la police - pas plus que d'une généalogie de la punition ou du crime, ni de tout ce qui assume sa négativité. Pire, on peut mesurer ici le danger d'exporter la méthode généalogique à ce qui a vocation à se trouver « en dessous ». Si la généalogie exhibe la secrète faille du « dessus », elle n'est possible qu'à condition de promouvoir le « dessous » en « dessus » : d'où la vanité des dénonciations qui ne sont que l'envers méconnu des réhabilitations. La police a en effet tout intérêt à ce qu'on la prenne pour une puissance terrible et maléfique : elle ne peut que se réjouir des dénonciations menées en ces termes.

Pourtant, la généalogie peut aussi dicter une historiographie capable d'éviter le double écueil de l'histoire « monumentale » et de l'histoire historiciste - défauts de l'historien qui se croit hors du temps. S'il importe particulièrement ici de s'en inspirer, c'est que la généalogie est une histoire qui évite la justification par la fonction, car elle interdit de gommer la dimension de l'événement par l'adoption d'une « objectivité d'apocalypse » [1] et fait obstacle à la posture consistant à « prouver » qu' « il n'y a rien de nouveau sous le soleil », ou que passé n'a rien à voir avec le présent - ou tout autre forme d'essentialisation du processus historique. La généalogie est la véritable histoire car elle essaie de restituer les lignes de tensions propres à l'événement afin de faire saisir le surgissement de son émergence. Elle n'est pas une recherche de l'origine, même si le terme, par commodité, est souvent employé ; elle n'est en effet pas « identitaire » car elle ne vise pas la recherche de l'identité première. Pour elle, un héritage ne signifie pas un « acquis » donné une fois pour toutes mais une suite de traits caractéristiques pas nécessairement cohérents les uns avec les autres. L'histoire généalogique est une histoire de la bigarrure qui dément qu'on ne puisse faire « rajeunir » des formes historiques qu'en peignant du « gris sur du gris » [2]. Elle est cependant bien une histoire car elle exige une documentation minutieuse et une enquête sur le commencement et la provenance. Elle est tournée vers l'avenir car c'est une histoire inquiète et clinique, qui cherche à dire « où nous en sommes », c'est-à-dire à rendre lisible le présent et en regardant de quoi il est gros. Si tel est le cas, la police gagne donc à l'éclairage généalogique qui évite la plate distinction entre la police d'hier et celle d'aujourd'hui, ou le roman de l'enchaînement miraculeusement logique de la police d'hier jusqu'à celle d'aujourd'hui.

La généalogie de la police doit permettre de répondre à des questions simples : pourquoi la police est-elle devenue un ressort majeur de la politique, elle qui n'est apparemment destinée qu'à la gestion de la société ? Pourquoi, parmi les différents modèles de maintien de l'ordre possibles, la police l'a-t-elle emporté ? Tenter la généalogie de la police, c'est tenter une « histoire des contraires », qui consiste à examiner si l'ordre policier ne repose pas sur un désordre non seulement accepté mais voulu, si l'autorité ne se fonde pas sur sa propre défaillance, et le fondement lui-même sur du vide. Cela conduit à se demander si l'on peut unifier ou réconcilier les trois grandes traditions policières, la tradition française, la tradition allemande et la tradition anglo-américaine, ou sinon, comment il faut comprendre la disparité nationale des polices. La police est-elle « citoyenne » des États qu'elle sert ? Y a-t-il autant de polices que de traditions nationales ? Ou bien la police ne présente-t-elle pas, dès l'origine, un type de relation à l'État et à la nation qui la rend étonnamment congruente avec la nouvelle configuration politique de notre monde ?

Une invention française et un produit d'exportation

Si la généalogie ne peut méconnaître les commencements empiriques, l'enquête doit commencer par le moment où l'on nomme les fonctions de police par ce nom. Bien entendu, il n'y a là que fausse évidence et lecture rétroactive. Mais s'il est vrai qu'un phénomène n'apparaît de toute façon que dans un « après-coup », on peut tenir pour éloquent que dès le Moyen Age, on puisse trouver des acceptions du terme de « police » dans un sens différent de celui de gouvernement, « pour désigner le domaine où celui-ci s'effectue et met en place réellement ce qui constitue l'objet même du savoir politique » [3], par exemple pour justifier de l'entretien de la voirie. L'« après-coup » qui permet de reconnaître en ces sens des prémices est généralement considéré - malgré d'éternelles controverses [4] - comme le moment de l'invention par Louis XIV d'une fonction autonome de police. En créant, par l'édit de mars 1667, la charge de lieutenant de police, Louis XIV pose les jalons de ce ressort fondamental de l'État moderne [5]. Pour comprendre en quoi cette invention est porteuse de sens, il importe de ne pas juger de la différence entre la police d'hier et de celle d'aujourd'hui de manière seulement imaginaire, en termes de ressemblance ou de dissemblance, mais de voir en quoi les coordonnées de cette fonction constituent toujours les composantes majeures de la police : la police n'est ni la justice ni l'armée, elle est urbaine mais a vocation à passer les frontières. Ainsi, Alan Williams reconnaît en elle un moment fondateur, alors même que c'est en la police du XVIIIème plus qu'en celle de la fin du XVIIème qu'il voit la première vraie force de police moderne [6]. C'est en effet celle-là, plus que celle-ci, qui servit de modèle aux Anglais qui l'expérimentèrent en Irlande, à l'Impératrice Marie-Thérèse en Autriche, aux monarques scandinaves. Après la révolution française, quand Napoléon reconstruisit en France la police de Paris, il s'en inspira et l'on trouve dans les Mémoires de son ministre, Joseph Fouché, des allusions à cet héritage [7]. Mais pour comprendre la police de Louis XV et de ses deux plus célèbres lieutenants de police, Louis-René d'Argenson et Gabriel de Sartine, il faut, note Alan Williams, remonter à la lieutenance de police de Louis XIV. La police cultive sa propre tradition.

D'une notion très générale à un sens spécialisé

Ainsi, même si l'on a du mal à isoler quelques traits communs au lieutenant de police et au flic de Beverly Hills, l'appartenance commune à la dénomination « police » mérite examen. Certes, il ne faut pas surestimer les enseignements venus du langage, mais il ne faut pas non plus les négliger : le généalogiste est nécessairement d'abord philologue [8]. La police, par sa nomination, trouve sa source dans la politeia. Le terme a fait l'objet d'étude dès le XVIIIème siècle. Comme toute importation, il prend d'abord l'allure d'un néologisme. C'est dans le cadre d'un article sur la civilisation que Lucien Febvre se livre à une enquête généalogique sur le sens du mot « police » [9]. Ce qui l'intéresse est la signification de l'adjectif « policé » dans l'expression «peuple policé». Mais cette enquête le conduit à analyser le passage d'une notion classique de philosophie politique, la politeia, à l'institution policière. La police paraît emblématique d'une technicisation du vocabulaire politique et d'une restriction de sens analogue à ce qui s'est produit avec d'autres termes, comme par exemple celui de magistrature. Ce qui est néanmoins étonnant réside en ce qu'une des notions les plus générales de la philosophie politique, la politeia, ait pu engendrer un sens si spécialisé et technique.

Chez les Grecs, remarque Leo Strauss, la politeia est un des termes les plus difficiles à traduire. Une des traductions devenues usuelles est la traduction par «république», pour traduire par exemple le titre de la Politeia de Platon, ou encore la constitution droite par excellence dans La Politique d'Aristote [10]. La politique grecque ancienne est dans son ensemble une interrogation sur la politeia. Le terme de constitution est trop juridique pour désigner cette réalité car la politeia n'est pas l'ensemble des lois fondamentales ; elle est dit Leo Strauss ce dont procède les lois, une sorte de genre de vie collectif. Mais ce n'est pas non plus le genre de vie, ni la « mentalité » : la politeia est politique. On peut la rapprocher de la notion de « civilisation », mais de la même manière celle-ci exclut généralement le gouvernement - compris dans la politeia. Dans l'esprit grec traditionnel, la politeia est l'âme de la cité. C'est ce que dit Isocrate : «L'âme de la cité n'est que la politeia qui a le même pouvoir que dans le corps la pensée» [11].

Le sens technique de la police est donc un sens très restreint par rapport à l'acception initiale de la politeia. Lucien Febvre remarque qu'il a d'ailleurs du mal à s'imposer dans son sens technique et univoque, en raison notamment de la naissance de la « civilisation » , dont le registre sémantique est convoqué dans l'adjectif « policé ». Le commissaire Nicolas Delamare, dans les premières pages du Traité de la police, et, suivant de très près son inspiration, Boucher d'Argis, dans l'Encyclopédie, donnent une définition large de la police, comme «art de procurer une vie commode et tranquille» [12], mais il précise aussi qu'en son sens restreint, qui est le sens véritable, elle vise «l'ordre public de chaque ville». Delamare cherche en effet à rendre compte de la réalité inventée par Louis XIV. Or, c'est bien l'ordre urbain que vise le monarque, comme l'indique bien un édit promulgué peu avant l'institutionnalisation de la police : «Les plaintes qui nous ont été faites du peu d'ordre qui était dans la police de notre bonne ville de Paris(…), nous aurions fait examiner en notre conseil les anciennes ordonnances et règlements de police (…) que nous aurions estimé (…) qu'elle pourrait être aisément rétablie, et les habitants de notre bonne ville de Paris en recevoir de notables commodités (…)» [13]. C'est l'ordre qui apparaît donc, dans la tradition qui s'inaugure ici, comme la condition majeure du bien-vivre. Plus que d'un dévoiement de la politeia, ou d'un usage seulement idéologique de la notion, la police témoigne d'une inflexion du modèle monarchique traditionnel.

Le pouvoir de la norme : discipline, règlement et surveillance

Avec la police, apparaît, au sein de la monarchie absolue mais apte à lui survivre, une singulière forme de pouvoir, que Michel Foucault nomme le pouvoir de la norme [14]. A côté des vertus classiques de l'exemplarité, de l'honneur, de la maîtrise de soi et des autres, naît une institution qui ne se propose d'abord pas d'offrir des modèles à imiter, mais qui veille à ce que la vie individuelle et collective se déroule « normalement ». Ce qui atteste de la réussite de l'exercice de l'autorité est désormais la normalité plus que la dévotion ou le dévouement - marques traditionnelles de la sujétion. Il importe désormais que les règles soient intériorisées sous forme de comportements. Delamare classe ainsi les objets de la police en trois catégories, dont il est significatif que la première soit constituée par les biens de l'âme : la religion et les mœurs. L'ordre public de chaque ville, en quoi consiste le sens précis et véritable de la police, est assuré par un ordre moral. A cette fin, la police doit veiller à ce que le corps social se porte du mieux possible (les épidémies et la saleté nuisent à l'ordre public) à ce que la ville soit approvisionnée, à ce que chacun y trouve un abri et y soit en sûreté, à ce que les sciences, les arts, le commerce se déroulent selon les règlements, et elle doit - en dernier lieu - empêcher les pauvres de voler.

Cette police s'occupe de tout, inaugurant ainsi une tradition qui persiste jusqu'à nos jours dans les attributions de la police administrative. L'opposition établie par Michel Foucault entre la police ancienne qui « englobe tout » et « veille au vivant », c'est-à-dire entre le sens « étroit et vague », voire péjoratif, de la police d'aujourd'hui, et celui des XVIIème et XVIIIème siècles supposé « large et précis » [15] ne doit pas se comprendre comme une différence d'objets, mais comme une différence d'accents. La police, selon Delamare, ne surveille pas les comportements pour chasser les criminels mais réprouve le crime comme entrave aux mœurs. La tradition « pastorale » de la police - en vertu de laquelle celle-ci peut-être considérée comme moins romaine que chrétienne [16] - trouve son origine dans le souci des mœurs. Malgré tout ce qui l'attache, dans la tradition française, à un État centralisé, elle porte en elle, comme tout pastorat, une dissémination potentielle du pouvoir en relations éparpillées. Elle est apte à « policer » le corps social car son objet n'est pas immédiatement le mal et les maux. C'est en effet par les mœurs que la police peut faire émerger une forme de pouvoir à la fois totalisant et individualisateur, bienveillant et directif, secrètement terrorisant [17]. Le pastorat n'est donc pas tant un élément modérateur de la répression policière qu'un trait constitutif, qui, joint à l'impératif du maintien de l'ordre, donne naissance à une institution originale. La police réveille les couleurs du vieux pastorat : le policier n'est pas un évêque comme les autres. En effet, la police trouve son origine dans un modèle d'ordre et d'obéissance dans lequel la loi l'emporte sur la nature. Le modèle policier suppose que c'est la loi qui modifie les mœurs et qu'aucune harmonie préétablie, aucune hiérarchie naturelle, et aucun plan divin ne fondent le droit à se faire obéir. La naissance de la police accompagnerait donc paradoxalement non seulement la laïcisation, mais surtout la démocratisation des sociétés et la fin des sociétés aristocratiques. Celle-ci, comme le montre Tocqueville, commence bien avant la Révolution : la monarchie absolue de Louis XIV, pour juguler la Fronde, fut une grande niveleuse [18]. Mais la police se sert du pastorat pour faire de celui-ci l'instrument de la discipline.

La discipline est le but de l'action policière dans la mesure où celle-ci repose sur un pouvoir réglementaire. Le règlement, type de législation spécifiquement policier, est un moyen de se faire obéir par la prévention de la violence. Toute discipline, en ce sens, est autodiscipline : elle renvoie le sujet non à un quelconque devoir d'obéissance, mais à l'obligation d'agir sur lui-même « au nom de la loi ». Elle paraît bien contemporaine d'une « pacification des mœurs » au sens que lui donne Norbert Elias, c'est-à-dire non d'une disparition ou d'un adoucissement de la violence, mais de l'intériorisation de celle-ci [19] - aux risques et périls du processus. Pour Michel Foucault, la discipline naît avec la fin des supplices, avec l'effacement du spectacle de la punition, avec une forme de « sobriété punitive » [20]. C'est le règlement qui sanctionne en effet l'indiscipline : à chaque sujet de se rendre compte par lui-même qu'il devait s'attendre à être puni. En suscitant une attente chez les sujets, le règlement leur procure inévitablement le sentiment d'être surveillés, comme le montre le psychanalyste Marcel Czermak. Cette auto-observation n'a rien à voir, explique-t-il, avec la traditionnelle instance surmoïque de commandement, mais elle relève d'une sorte de «Surmoi sauvage», «un pur énoncé, émis de nulle part en somme, une voix pure que ne supporterait aucun corps et sous le commandement duquel le sujet serait dépourvu de tout habillage» [21].

L'objet du contrôle social devient ainsi la « déviance », plus que la désobéissance. La police est bien créée pour insuffler dans la société une forme de politeia d'un genre nouveau. Si l'organe de ce pouvoir est traditionnellement métaphorisé par un œil c'est parce que ce pouvoir est un savoir, et que l'œil est par excellence, depuis les Grecs, tenu pour l'instrument de la connaissance. L'œil de la police, symbole de la prudence politique et de la raison d'État, est d'abord la condition de la discipline car il représente le savoir de la police. La surveillance, bien plus qu'une forme de présence du pouvoir, est une condition de son éclipse - dans sa forme ostentatoire, selon Michel Foucault : «La police, invention française qui fascina aussitôt tous les gouvernements européens, est la jumelle de panopticon» [22]. La nouveauté du procédé inventé par Jeremy Bentham, appelé « panoptique », réside dans la manière d'envisager la surveillance. En termes architecturaux, c'est un dispositif circulaire tel que d'un point central surélevé, on ait «la faculté de voir d'un coup d'œil tout ce qui se passe» [23]. Au-delà de l'architecture, l'idée paraît à Foucault emblématique d'une interversion du principe traditionnel de la visibilité et de la dissociation du couple voir/ être vu : «Traditionnellement le pouvoir, c'est ce qui se voit, ce qui se montre (…). Ceux sur qui il s'exerce peuvent rester dans l'ombre (…). Le pouvoir disciplinaire, lui, s'exerce en se rendant invisible ; en revanche, il impose à ceux qu'il soumet un principe de visibilité obligatoire. Dans la discipline, ce sont les sujets qui ont à être vus» [24]. La discipline établit une relation entre le surveillant et le surveillé bien plus intime que celle qui peut se nouer entre un gouvernant et un gouverné, précisément parce que le surveillé n'a affaire qu'à lui-même. La police surveille la relation que chacun entretient à lui-même. Elle exerce son contrôle en vérifiant que l'individu sait se contrôler, comme le montre Norbert Elias à propos du règlement de la circulation : «Des agents règlent avec plus ou mois d'adresse la circulation. Mais cette régulation de la circulation présuppose que chacun règle lui-même son comportement en fonction des nécessités de ce réseau d'interdépendances par un conditionnement rigoureux. Le danger principal auquel l'homme est ici exposé est la perte de l'autocontrôle d'un des usagers de la voie publique. Chacun doit faire preuve d'une autodiscipline sans faille, d'une autorégulation très différenciée de son comportement pour se frayer un passage dans la bousculade» [25]. La police ne serait, dans cette hypothèse, qu'une incarnation parmi d'autres du principe formulé ex post par Jeremy Bentham, le principe d'inspection :«L'inspection : voilà le principe unique, et pour établir l'ordre et pour le conserver ; mais une inspection d'un genre nouveau, qui frappe l'imagination plutôt que les sens» [26]. Une nation policée est une nation disciplinée. Une instance chargée de l'exécution des règlements est un œil ouvert sur la société. Elle produit bien un texte, mais loin de la théologie pastorale de l'origine, cet écrit se compose de fiches et de rapports, de listes et d'abondantes descriptions. Il est le contrôle social, au sens propre du terme, comme le dit Michel Foucault, c'est-à-dire le registre qui redouble société de son propre reflet : «(.…)Et cette incessante observation doit être cumulée dans une série de rapports et de registres ; tout au long du XVIIIème siècle, un immense texte policier tend à recouvrir la société grâce à une organisation documentaire complexe » [27]. Il modifie toutefois la perspective de la société sur elle-même. L'œil de la police est une loupe, il grossit le trait en donnant à voir le grain le plus infime du corps social, il rapproche le lointain [28], et attire l'attention sur tout ce qui « est bizarre, déviant, inhabituel » [29]. L'œil, référence imaginaire du pouvoir, permet d'opérer la transition entre la monarchie absolue et les polices démocratiques et totalitaires de la modernité, qui relèvent du modèle panoptique. En effet, le monarque absolu se donne «des yeux, des oreilles, des mains et des pieds en grand nombre» remarquait déjà Aristote [30]. Cette idée inspire la pratique du conseil au Prince : la Politique, retrouvée dans l'Occident latin au XIIIème siècle, a curieusement inspiré la théorisation de la forme politique du royaume. Sous Louis XIV, « l'œil », sous l'influence de la science moderne, commence à désigner la surveillance des grands et du peuple ; il accompagne la disparition de la référence théologique en politique, ainsi que celle des rapports de dépendance interpersonnels.

En France, la victoire du pouvoir étatique sur la Fronde marque le début de l'émergence de l'individu en politique et dans la société [31], suscite l'hostilité de la noblesse [32] et des autres institutions traditionnelles d'ancien Régime, l'Église et la parlement [33]. La police est d'abord une forme d'autorité par défaut, fondée sur l'absence de fondement de l'autorité et la secrète défaillance du pouvoir.

La propriété individuelle : la police et le droit romain

La police est congruente à la naissance d'une société d'individus. Elle relève du droit subjectif. Son aptitude à se plier à la modernité provient aussi de ce qu'elle trouve sa source dans la modification des relations sociales. Pour comprendre le passage d'une forme d'autorité à une autre, il faut en effet tenter de saisir ce qui change, réellement, dans la société. Or, conjointement à l'apparition des premières acceptions spécialisées du terme de police, au Moyen Age, l'économie de la chrétienté latine connut des changements : accroissement de la population, mobilité plus grande, déplacement vers les centres urbains [34]. La propriété privée apparaît, d'abord, comme le montre Janet Coleman, par la transformation des modes de concession traditionnels de la terre, puis par l'apparition de la transmission par vente ou par héritage de celle-ci. On assiste à la naissance du début d'une économie de marché concentrée dans les villes, les techniques de crédit et de paiement s'améliorent, la circulation de l'argent devient plus rapide. Le monastère se vide et, de plus en plus, la possibilité d'une vie chrétienne dans le siècle est concevable. Les premiers textes qui définissent le statut de laïc décrivent un homme notamment propriétaire et usager de biens terrestres. C'est au Moyen Age que se formulent les fondements de l'idée selon laquelle : «les gouvernements ont pour origine les propriétaires privés qui demandent un système judiciaire normalisé afin de préserver ce sur quoi ils ont déjà des droits» [35].

Pour inventer une police capable de faire respecter ces droits, il faut un appareil juridique. Celui-ci est fourni par les catégories du droit romain, qui, après une éclipse relative, resurgissent : «Le droit romain propose la vision d'un ordre légal plus stable, autonome et universel que les lois du clan de l'époque antérieure [36]. Dans la tension interne au monde chrétien entre le pastorat - qui perdure jusque dans les formes modernes de l'État-providence - s'accommodant d'un modèle domestique jamais entièrement caduque et la romanité, celle-ci semble jouer son rôle pour étayer les institutions administratives et politiques nouvelles. Rome ne s'éclipse jamais tout à fait, comme le remarque aussi Jacques Lacan : la police est née de «trois piques sur la campus» [37]. La pique du soldat romain, la vindicte était en effet, dans l'ancienne Rome le symbole du droit de propriété. La police est la forme moderne de l'ancienne cérémonie de la revendication (rei vindicatio). Dans le droit romain archaïque, lorsque quelqu'un estimait avoir été spolié de son bien, il devait plaider devant témoin en saisissant l'objet du litige en disant : «je déclare que cette chose est à moi d'après le droit des Quirites… et j'ai imposé la vindicte». En prononçant ces paroles, il touchait la chose revendiquée avec la baguette représentant la pique du soldat [38].

Mais, de fait, s'il ne s'agit que de faire respecter la propriété privée, des soldats peuvent suffire et il ne paraît pas nécessaire d'inventer une police. L'armée est une force de l'ordre dont l'exercice rappelle à l'exigence de la fondation continuée de l'État. Si ce rappel est également effectué par la police (tout litige, serait-il strictement interindividuel, in fine, menace l'État), il l'est cependant de manière plus indirecte, voire plus dissimulée. Pour l'analyser, on peut tenter d'examiner les enjeux de la différence entre la police et la police de l'armée, la gendarmerie.

Police des villes, police des campagnes

La première forme de police, antérieure à la police à proprement parler, est la maréchaussée. Créée à l'origine pour chasser les déserteurs et maintenir l'ordre parmi les soldats, elle devient sous François 1er, un instrument de police chargé des communications et des routes. En 1536, celui-ci confie à la maréchaussée une autorité destinée non seulement à surveiller les garnisons ; mais aussi à rechercher les auteurs de crimes de grands chemins, de vols, de pillage, et de viols dans les campagnes. Quand, par la loi de février 1791, la maréchaussée se change en gendarmerie, elle demeure la police de l'État territorial. Sa fonction traditionnelle de protection du souverain [39], toujours en vigueur dans la garde nationale, et réactualisée récemment sous le présidence de François Mitterand, participe de l'ancrage de la souveraineté dans le territoire. Dans sa relation à la société, la fonction de la gendarmerie semble bien correspondre aux prémices de « l'individualisme possessif » [40]. C'est encore ce dont aujourd'hui se réclame la gendarmerie pour revendiquer sa légitimité en matière de police judiciaire. De fait, elle a bénéficié de pouvoirs judiciaires que n'a pas eus la police des villes, en raison de sa séparation avec la justice [41].

La police, en effet, naît pour la ville, et dans un but différent : il ne s'agit pas tant, pour elle, d'abord, de protéger le domaine privé que de veiller à la sphère publique. Avant d'être étendue aux grandes villes de France, la police est créée pour Paris, en raison de son statut spécial de capitale du royaume de France, et surtout de sa taille. Si elle intéresse les autres pays européens, c'est en raison de l'augmentation de la population des grandes villes. Dans ces gigantesques métropoles que sont Londres, Naples, Rome, Milan, on ne sait comment distinguer le « mien » du « tien », le public et le privé. La police a d'abord charge de l'approvisionnement, car les difficultés rencontrées à cet égard sont perçues comme la cause du mal vivre dans les villes, et des mauvaises mœurs qui y règnent. Charles Tilly en fait un élément majeur de la généalogie de la police : «Du XVIème au XIXème siècle et selon un calendrier très variable en fonction des diverses régions de l'Europe, on vit de manière concomitante, l'expansion des marchés internationaux, l'essor des marchands de gros et l'accroissement du nombre des salariés qui dépendaient du marché pour leur subsistance. A ce moment de l'évolution, les dirigeants des États avaient à équilibrer les exigences des fermiers, des grossistes, des fonctionnaires municipaux, de leurs clients et de la plèbe urbaine - tous ces éléments pouvant déclencher des troubles si l'État nuisait par trop à tel ou tel groupe d'intérêts particuliers. L'État et ses fonctionnaires nationaux développèrent alors la théorie et la pratique de la « police », dans lesquels la recherche et l'arrestation des criminels ne jouèrent d'abord qu'un rôle mineur. Avant le XIXème siècle et la prolifération des forces de 'police' telle que nous la connaissons aujourd'hui, le terme lui-même désignait la régulation d'ensemble, spécialement au niveau local ; la direction de l'approvisionnement en était la principale composante. Le grand ouvrage de Nicolas de la Mare, Traité de la police, publié pour la première fois en 1705, expose bien cette conception très générale - mais centrée sur les pouvoirs d'approvisionnement- des pouvoirs de police de l'État» [42].

Il semble bien que dans les « bonnes villes » de la Renaissance, le pouvoir de police ait déjà été exercé. Déjà, en effet, ces « bonnes villes » se spécifient par le caractère affirmé de leur urbanité : la bonne ville s'oppose à la ville champêtre. De ce fait, les bonnes villes sont «des puissances capables de s'imposer comme telles par leur être même comme l'un des principaux 'États' dans l'État» [43]. Même confondue avec la justice, et dépendant de son pouvoir, le pouvoir de police y est nommé comme tel à partir du XIVème siècle [44]. Mais la force publique de la police n'est pas institutionnalisée : l'ensemble de la communauté doit prêter main-forte à celui qui, dans la ville, est attaqué [45]. Ces formes de ville et de police dépendent encore de la solidarité médiévale. De même, ce n'est pas encore par souci de l'ordre, de la beauté, de la sécurité ou de l'hygiène que l'on s'occupe, par exemple, de la rue mais par sens de l'honneur [46]. Son entretien est privé : chaque particulier paie le pavé de sa part de rue [47]. Les bonnes villes ne sont pas encore les grandes villes qui donnent naissance à la police ; elles ne connaissent pas les foules.

Dans les grandes villes, ce n'est-ce plus l'isolement qui fait peur mais la foule. Le criminel ne se dissimule plus à l'écart de ses semblables mais au contraire au milieu d'eux. Pour se cacher, il ne change pas d'allure - cela ne se remarque pas dans la foule - mais d'identité. Au XIXème siècle, les procédures d'identification sont venues précisément de ces nouveaux procédés de dissimulation qui mettent en échec les routines de détection ordinaires. La ville fait naître une nouvelle forme de police judiciaire, scientifique et technique, capable de « voir l'invisible » [48] et pas seulement d'inspecter tout le visible. Il ne s'agit plus en effet de simple garde. Dans la ville, les hommes sont seuls, et, pour cette raison, ils peuvent faire masse. Si comme le montre Hannah Arendt, les «masses modernes ont été formées par l'atomisation de la société» [49], l'invention de la police est celle d'un outil étonnement moderne, réutilisable dans la société de masse qui se dessine à partir du milieu du XIXème siècle. Dans l'imaginaire, le policier a un rôle radicalement différent du gendarme. Le roman policier est urbain et son héros est personnage sombre et cynique, qui tranche sur le gendarme généralement débonnaire, voire comique, associé à la nostalgie de la ruralité [50]. Le roman policier est le roman des foules, au double sens du terme [51].

La triple nationalité policière

La généalogie de la police permet d'éclairer la forme d'ordre qui régit encore nos sociétés modernes. Pourtant, il semble que les traditions policières, depuis le commencement français de la police, aient varié. La police française elle-même s'est modifiée. On peut dégager trois grandes traditions nationales de la police : l'héritage allemand, anglo-américain et français. L'hétérogénéité de ces traditions est généralement attribuée à la différence des fondements politiques des États. Peut-on cependant établir une typologie des polices comme on dessine une typologie des Etats, ou bien en quoi chaque tradition a-t-elle contribué à constituer la réalité policière?

Bertrand Badie et Pierre Birnbaum ont tenté une éclairante mise en parallèle des États et des polices [52]. Ils ont établi une typologie sociologique des États à partir d'idéaux-types et distinguent donc les sociétés où l'État «tente de régenter le système social en se dotant d'une forte bureaucratie», comme en France et dans une certaine mesure, dans l'ancienne Prusse, de celles où l'organisation de la société civile rend inutile «l'apparition d'un État puissant et d'une bureaucratie dominante» comme en Graned-Bretagne et aux États-Unis [53]. Cette première distinction en recoupe une autre : «celle des systèmes politiques qui connaissent à la fois un centre et un État (la France) de ceux qui possèdent un État sans centre (Italie), ou un centre sans véritable État (Grande-Bretagne, Etats-Unis) (…)» [54]. Parmi ces pays, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, et la Prusse sont les inventeurs de forme de police originales.

Que la police soit une invention française semble bien l'enraciner dans le service de l'État. Si elle constitue un service public, c'est néanmoins d'abord dans la mesure où elle trouve son origine dans la raison d'État. Dans la tradition française, la raison d'État, ou parti de l'État, se prétend une défense de la sphère publique [55]. De ce point de vue, il existe bien une continuité entre la formation de l'État sous la monarchie absolue et l'idée de république, telle qu'elle s'élabore en France au XIXème siècle. La police française naît dans l'institution monarchique du conseil au roi. Dans la monarchie absolue, la théorie de la raison d'État est une théorie de conseillers d'États. C'est par l'institution de ces conseils que « le centre se transforme en État » [56]. En séparant la justice de la police, Louis XIV met la police au service de l'exécutif. Le lieutenant de police est très vite comparé à un véritable ministre. Sous Louis XV, quatre lieutenants de police dont René d'Argenson, et Gabriel de Sartine furent effectivement nommés conseillers d'État, et se voient donc attribuer cette « dignité » de pouvoir être «consulté sur quelque manière à et à quelque occasion que le roi juge à propos» [57]. La France invente donc surtout la haute police, celle qui a contribué à l'élaboration de services de renseignement, à l'existence d'une documentation d'État. Quand, au XVIIIème siècle, on loue l'efficacité de la police française, c'est pour sa capacité à savoir « qui » est « où ». L'apport de la France à la police, c'est la formation d'un savoir de l'État sur la société. Ce savoir est un savoir tactile et sensible qui passe par la collecte des opinions et des humeurs populaires. Joseph Fouché incarne cette tradition de la haute police française, qui déborde l'héritage monarchique et est plus que jamais d'actualité. Jean-Paul Brodeur a mis au jour comment, par une curieuse rencontre, la société de l'abondance d'informations et des nouvelles technologies a redonné actualité à ces problématiques d'ancien Régime ; en raison de l'évolution technologique, les forces policières occidentales se conforment de plus en plus au modèle de la haute police [58]. Quelle que soit la configuration de notre monde, il subsiste toujours assez d'État pour que celui-ci s'éprouve comme menacé ; or, la haute police s'enracine dans la tradition machiavélienne de l'État conscient de sa précarité. La guerre, qui fait exister les États, redonne donc aussi à la haute police son actualité.

Par opposition, les polices qui correspondent à l'idéal-type de l'État anglais et américain semblent privilégier leur mission de régulation sociale. En Amérique, par exemple, selon Tocqueville, la centralisation administrative - en vertu de laquelle le pouvoir de diriger les intérêts des membres de la société est concentré en d'uniques mains, y compris au niveau le plus local - n'est pas jointe à la centralisation gouvernementale - qui désigne le type de concentration du pouvoir qui vise à diriger les intérêts de la nation tout entière [59]. Même s'il considère que dans les États-Unis du XIXème siècle, l'absence de centralisation administrative est trop grande, il rend celle-ci responsable, en France, de « l'énervement » du peuple et de la perte de « l'esprit de cité ». Même si, dans l'Amérique de 1835, l'État « tente rarement d'établir des règles de police. Or, le besoin de ces règles se fait vivement sentir » [60], en France, à la même époque, «la centralisation réussit sans peine (…) à régenter savamment les détails de la police sociale ; à réprimer les légers désordres et les petits délits (…) ; à entretenir dans le corps social une sorte de somnolence administrative que les administrateurs ont coutume d'appeler le bon ordre et la tranquillité publique» [61]. Le modèle d'État américain peut être référé au modèle anglais, il en dépend largement pour les points qui nous occupent car, comme le montrent Bertrand Badie et Pierre Birnbaum, «de même qu'en Grande-Bretagne, la société américaine s'est construite par auto-régulation» [62]. En effet, «De même que la France apparaît comme la société où l'État peut être considéré comme le type idéal de l'État, de même la Grande-Bretagne fait figure de pays où le gouvernement s'effectue par la société civile, l'État étant à son minimum » [63]. Le centre, montrent-ils, prend en Grande-Bretagne la forme de l'unité territoriale plus tôt qu'en France, et l'autogouvernement de la société anglaise par elle-même est issue d'une tradition qui remonte à la domination normande. Le principe parlementaire se dessine plus précocement qu'en France, et il est doué d'une fonction de représentation et de contrôle. Non seulement il existe un contrôle institutionnel de la police, même si celui-ci, comme le montre Jean-Paul Brodeur, comporte toujours des enjeux politiques [64], mais la police se développe dans la cadre de la commune - raison pour laquelle on la nomme ordinairement police de communauté (communauty policing). Si l'on suit les analyses de Egon Bittner, l'une des difficultés à définir la police réside dans la confusion entre l'habilitation de la police à user de la force dans les situations de violence non-négociable et la source de la souveraineté étatique [65]. Décrivant l'activité policière, il montre que la police entre en action quand il y a «quelque-chose-qui-ne-devrait-pas-être-en-train-de-se-produire-et-pour-lequel-il-vaudrait-mieux-que-quelqu'un-fasse-quelque-chose-tout-de-suite !» [66]. La police peut se définir en extension comme une pluralité de tâches diverses, et, en compréhension, comme une mission dont l'objet est indéterminé. L'urgence de la situation n'est elle-même qu'un des effets de l'habilitation à user de la force. De même, seule cette habilitation peut faire comprendre que les activités de police judiciaire ne constituent qu'une part infime du travail effectif des policiers, et que la police soit, dans les sociétés pacifiées, préférée à l'armée - comme la régulation des relations sociales au maintien de l'ordre. C'est donc la demande sociale qui institue la police et le rapport de celle-ci à l'État est secondaire. Comme l'exprime Jean-Paul Brodeur, Egon Bittner tient pour primordiale la relation de la police à la ville : « c'est l'urbanisation qui a pour lui préséance sur l'étatisation » dans la genèse de la police [67].

Pourtant, loin de s'opposer, ces traditions communiquent. Même si la tradition locale de la police française se développe dans un cadre politique différent, il ne faut pas exagérer la différence entre la commune française, américaine, et anglaise. Non seulement en France aussi, la police naît même pour la ville, mais elle demeure essentiellement communale de la Révolution jusqu'à la fin de la troisième république. Ce n'est qu'en 1941, sous le régime de Vichy, que la police devient nationale - fait qui apparaît rétroactivement et bizarrement comme seul compatible avec l'idée républicaine. Paris depuis l'origine, Lyon depuis 1851, Marseille à partir de 1908, et, progressivement, quelques autres grandes villes eurent des polices étatisées avant 1941. Mais dans la majorité des villes de plus de 5000 habitants, même si la police communale était dirigée par un commissaire nommé nationalement à partir de 1880, le recrutement était local [68]. Cependant, si la police communale s'est développée de cette manière sous la république, c'est parce qu'elle a hérité des modifications apportées à la police sous le monarchie de Juillet. Or, si le préfet de police Louis Debelleyme a créé le corps des sergents de ville de Paris, c'est en imitant le ministre anglais Robert Peel, réel inventeur de la community policing. Les Bobbies, et leur uniforme bleu, eurent en effet en Europe le même succès que la lieutenance de Paris en son temps. Ce phénomène d'influences réciproques se poursuit aujourd'hui avec l'engouement suscité chez les responsables policiers par le succès de la police de New York. C'est l'importation du modèle anglo-américain en France qui se trouve à l'origine de la notion de police de proximité. De même, cette nouvelle forme de pastorat que constitue la chasse aux criminels est à l'origine du dévoiement des thèses de Wilson et Kelling en 1982 ; sous le nom de «théorie de la vitre cassée », ceux-ci visaient l'élargissement «de notre interprétation du mandat de la police pour qu'il intègre des éléments indûment perçus comme périphériques, tels que l'action sociale de la police, sa lutte contre la petite délinquance et l'incivilité et sa mobilisation des citoyens contre la dégradation de l'environnement urbain» et non la « tolérance zéro » [69].

Si, donc, les deux traditions française et anglo-américaine ne communiquent pas lorsqu'il s'agit de l'État, elles entrent en relation dès lors qu'il est question de la police. Mais elles semblent s'opposer toutes deux à la tradition de la police allemande. Celle-ci est pourtant antérieure aux deux autres, puisque dès le XVIème siècle, elle acquiert une dignité théorique [70]. Au XVIIIème siècle, elle prend cependant une orientation inédite, celle d'une discipline philosophique [71] et universitaire - la science camérale - tandis que le corpus de la police française n'abandonne pas la forme de la compilation de règlements. Pourtant, elle n'est pas une simple abstraction, mais doit former les fonctionnaires capables d'accroître la puissance et le bien-être de l'État. Elle est liée à l'état territorial. L'État prussien se construit en effet au XVIIème siècle et « il n'apparaît pas comme le produit d'un processus de centralisation se réalisant, à l'instar de la France, par la domination souvent brutale des périphéries, mais correspond d'emblée à un territoire sur lequel il assure immédiatement son pouvoir » [72]. Mais, comme la police anglaise, la police allemande s'exporta. Elle contribue à infléchir la raison d'État dans le sens de la rationalité et de la théorie de l'État-providence, le Wohlfahrtsstaat. En effet, en Allemagne, la connaissance de l'État s'entend aussi comme Statistik ; et la statistique se développe aussi en France aux XVIIème et XVIIIème siècle [73]. Ainsi les élements généraux de police, de Von Justi furent-ils traduits en France dès le milieu du XIXème siècle [74]. Si la méthode prétendument « déductive » adoptée par ce représentant de la Polizeiwissenschaft - au demeurant simplement descriptive malgré son apparence axiomatique -, tranche avec l'empirisme de Delamare et l'esthétisme baroque de la raison d'État française - de Gabriel Naudé, par exemple -, néanmoins, les différences de contenu entre la tradition française et la tradition allemande ne doivent pas être exagérées. Von Justi connaît Delamare et s'inspire de Montesquieu [75], et s'il tient à la scientificité formelle - requise pour une discipline dès lors qu'elle fait l'objet d'un enseignement - il ne néglige pas plus qu'aucun autre théoricien de la police, «les moyens pratiques pour réaliser le bien-être de la communauté» [76]. De même entre l'Allemagne et l'Angleterre eut lieu un débat sur la nature de la statistique - qualitative ou quantitative- , dans lequel des Français prirent parti : «Si le terme 'statistique' utilisé par les Allemands s'imposera, c'est cependant le contenu défini par l'école anglaise qui triomphera finalement» [77].

Police et frontières

La police n'est pas un « instrument » en lequel l'État national pourrait rêver de trouver un miroir. L'apolitisme policier et la capacité policière à devenir l'instrument d'un régime témoignent plutôt d'une autonomie qui prend l'allure d'une indifférence à l'égard de l'incarnation du pouvoir, comme si la police obéissait à un État vide et désincarné. Dans les trois traditions, la police est une règle souple, un instrument variable, qui épouse les mœurs et compose avec les circonstances. Elle se règle sur le changement social en s'abstenant de le juger. Sa règle est l'efficacité, et celle-ci doit être éclairée par une bonne connaissance des circonstances, comme le montre Paolo Napoli du point de vue de l'histoire du droit : «La règle de police se révèle, du point de vue du pouvoir politique, comme l'instrument le plus souple pour s'adapter aux nécessités gouvernementales contingentes» [78].

Ce que défend la police est peut-être donc moins l'ordre national, que l'ordre en tant que fondation, l'ordre en train de s'établir, à partir du désordre et à travers lui. Telle serait une des raisons de la judiciarisation de la police, cet étrange phénomène qui correspond moins à une réalité professionnelle qu'à un état d'esprit. Plus la politique devient rationnelle, plus elle engendre inéluctablement un « reste » non rationnel. Par le même mouvement c'est « ce qui ne va pas » dans la société qui finit par constituer la qualification essentielle de ce qui relève de la police. La police, de manière générale, à partir du XIXème siècle a affaire au mal et au danger [79]. Par là-même, sa malléabilité politique participe de sa structure. C'est pourquoi la généalogie de la police permet d'apercevoir non seulement des constantes dans la pluralité et la variété des formes de police, mais des relations réciproques entre celles-ci. Les polices se copient les unes les autres, tandis que les nations entretiennent plutôt leur singularité. La police, dans sa souplesse protéiforme, est capable de s'adapter sans changer d'identité. Si, à la police, la France a apporté la raison d'État et le renseignement politique, l'Allemagne, la rationalité statistique et le Wohlfarhrtstaat, la Grande-Bretagne la police de communauté et de proximité, comment cependant cette réalité bigarrée a-t-elle pu prendre la place et l'importance politique et institutionnelle qui lui est conférée dans tous les États du monde, ainsi qu'au niveau mondial ? La police entre en convergence avec les évolutions politiques de notre époque. Si elle constituele ressort même de la rationalité de l'État, elle se développe d'autant plus que la science et la technique dictent des contenus de gouvernement. Elle accompagne le règne de la statistique dont Gabriel Tarde avait prévu les progrès : «il pourra venir un moment où, de chaque fait social en train de s'accomplir, il s'échappera pour ainsi dire automatiquement un chiffre» [80]. Les résultats de l'activité policière sont eux-mêmes de plus en plus évalués statistiquement. Mais ce qui la rend actuelle est qu'elle participe de la tension interne à la rationalisation de la politique. La police n'est pas la simple application de la politique de l'État moderne. Chargée de prévoir, elle doit cependant s'occuper de l'imprévisible et de l'imprévu. Rouage impersonnel, elle est aussi le dernier refuge du pouvoir personnel. L'obéissance de la police à ses missions suppose une interprétation du commandement et comporte une part de secret. Instrument voué à l'urgence, la police pose sa marque sur un monde où la décision et l'action requièrent moins la délibération que la plus grande des vitesses, « le temps réel ». La rationalisation de la politique et de la police engendrent leur contraire. La police, dans les sociétés policées, n'a plus charge que du « dernier recours », c'est-à-dire de la plus grande violence : la police de proximité est devenue une police d'intervention, qui rejoue localement, dans des lieux urbains qui ne sont cependant pas des villes, la fondation de l'État. Telle est l'actualité politique où se vérifie à l'envers la généalogie de la police : au plus local, là où l'ingouvernabilité des cités convoque la police à la réinvention de ses méthodes, on parle de « guerre urbaine », et de fait, la cité en effet vibre aux soubresauts de la politique mondiale. Dans le même temps, au niveau le plus international, la guerre, dans un espace qui se veut intérieur au monde lui-même, se nomme « opération de police ». L'intérieur et l'extérieur on échangé leur rôle : le criminel est mondial et le guerrier, local.

Plus que jamais la police est une police d'identité. La manière dont la police envisage la souveraineté, la rend, dans la lignée de la grande tradition cynique, relativement indifférente aux frontières, comme si l'appartenance à la police créait une connivence telle qu'elle relativisait l'appartenance nationale, comme le montre Didier Bigo : «l'argument de la souveraineté vaut dans les arènes juridiques mais pas dans les pratiques policières» et : «l'arrestation d'un criminel leur a toujours paru plus significative que le strict respect du principe de souveraineté» [81]. Depuis toujours, les polices se donnent des renseignements et échangent des services. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y ait pas de « guerre des polices ». La guerre des polices dérive en effet de l'usage professionnel du soupçon. Si le soupçon est ce qui anime le policier, tout degré supplémentaire de coopération policière accroît proportionnellement la fragmentation - sans supprimer l'entraide.
La généalogie de la police n'exhibe donc pas une quelconque face cachée de l'institution, mais permet au contraire de montrer que la police, sous l'emprise des circonstances, a inauguré une tradition politique d'un nouveau genre, à l'intérieur de l'état de territoire, mais au service de l'état de population [82]. Son ancrage dans la ville la conduit paradoxalement à reconnaître une appartenance différente de l'appartenance nationale, quoiqu'elle continue de respecter ce cadre en vertu de la logique du soupçon. Il s'agit moins, pour elle, de connaître la géographie - comme fait l'armée - que la sociologie. Ainsi la police semble-t-elle bien devenir la véritable politeia mondiale, le coup de force qui rappelle qu'à ce niveau aussi, la fondation a lieu dans la violence et que son efficace dépend du savoir et de la surveillance.


[1] . Foucault M., « Nieztsche, la généalogie, l'histoire », Hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, coll. Épiméthée, 1971, pp. 145-172, in Dits et Écrits, Paris, Gallimard, 1994, tome II, p. 146.
[2] . Hegel G.W.F., Principes de la philosophie du droit, (1821), trad. de R. Derathé, Paris, 1982, p. 59.
[3] . Napoli P., « La 'police' en France à l'âge moderne (XVIII-XIXème siècle), Histoire d'un mode de normativité », Thèse de droit dirigée par Yan Thomas, soutenu en mai 2000 à l'EHESS, p. 17.
[4] . Lévy R., « Egon Bittner et le caractère distinctif de la police : quelques remarques introductives à un débat », in Déviance et société, septembre 2001, vol. 25, n°3, pp. 279-280.
[5] . L'Édit prononcé par Louis XIV en 1667, stipule en effet : « Et comme les fonctions de la Justice et de la Police sont souvent incompatibles et d'une grande étendue, pour être bien exercées par un seul officier dans Paris, nous aurons résolu de les partager ». A la place d'un office double et complexe, l'office de lieutenant civil du Prévôt de Paris, sont créés deux offices de lieutenant du Prévôt de Paris : le conseiller et lieutenant civil du Prévôt de Paris, et le conseiller et lieutenant de Paris pour la police.
[6] . Williams A., The police of Paris, 1718-1789, Louisiana State University Presse, baton rouge and London, 1979, pp. XV-XVI.
[7] . Mémoires de Joseph Fouché, duc d'Otrante, Paris, posth. 1824, rééd., Paris, Imprimerie nationale, 1992, p. 221.
[8] . Paolo Napoli met très justement en garde contre la tentation de chercher une solution à la polysémie de la police en se livrant à une mise au point lexicale, propre à figer les significations, dans la mesure où cela conduit à établir une taxinomie indifférente au contenu réel des notions, « La 'police' en France à l'âge moderne (XVIII-XIXème siècle), Histoire d'un mode de normativité », Thèse citée, p. 9.
[9] . Febvre L., « Civilisation, évolution d'un mot et d'un groupe d'idées », in Pour une histoire à part entière, Paris, 1962, S.E.V.P.E.N, pp. 494-495.
[10] . Strauss L., Droit naturel et histoire (1953), trad. de l'anglais par M. Nathan et E. Dampierre, Paris, Plon 1954, rééd. Champ-Flammarion, pp. 128-130.
[11] . Isocrate, Aréopagitique, VII, 142, in Œuvres complètes, tome 3, trad. du grec par G. Mathieu, Paris, 1942, p. 66.
[12] . Delamare N., Traité de la police, Paris, J. et P. Cot, 1705, p. 2, et Boucher D'argis, article « police », in Diderot D. et d'Alembert J., Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des Arts et des Métiers, Paris, 1751-1780, tome XII, p. 905.
[13] . Louis XIV, Édit du Roi pour la sûreté de la ville de Paris, Déc 1666, Actes royaux, BN 23612, janvier 1666 (855)-mars 1667 (931), pièce 909.
[14] . Foucault M., Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, rééd. coll. Tel, p.209 sqq.
[15] . Foucault M., « 'Omnes et singulatim' : Towards a Criticism of Political Reason », (« 'Omnes et singulatim' : vers une critique de la raison politique », trad. P.-E. Tauzat, université de Stanford, 10 et 16 octobre 1979) in McMurrin (S.), The Tanner lectures on Human Values, t. II, Salt Lake City, University of Utah Press, 1981, pp. 223-254., in Dits et Écrits, op. cit., tome IV, p. 155.
[16] . Foucault M., « Sécurité, territoire et population », in Dits et Écrits, op. cit., tome III, p. 720.
[17] . Foucault M., « 'Omnes et singulatim' : vers une critique de la raison politique », in Dits et Écrits, op. cit., tome IV, p. 161.
[18] . Tocqueville (de) A., De la démocratie en Amérique, vol. 1, (1835), Paris, Garnier-Flammarion, tome 1, p. 59.
[19] . Norbert E., La dynamique de l'occident, trad. du tome II de Uber den Progress der Zivilisation, (1e éd., 1939 ; 2e éd., 1969), trad. de l'allemand par P. Kamnitzer, Paris, Calmann-Lévy, 1975, rééd. coll. « Presses Pocket », p. 197.
[20] . Foucault M., Surveiller et punir, op. cit., p. 21.
[21] . Czermak M., « Quelques remarques sur l'élision du regard dans la psyhanalyse », in Fin, n°9, juin 2001, p. 37.
[22] . Foucault M., « La prison vue par un philosophe français », « Il carcere visto da un filosofo francese » (« La prison vue par un philosophe français », entretien avec F. Scianna, trad. A. Ghizzardi ), L'Europeo, n° 1515, 3 avril, 195, pp. 63-65., in Dits et Écrits, op. cit., tome II, p. 729.
[23] . « Panoptique, par Jérémie Bentham », reprint in Bentham J., Le panoptique (1791), Paris, Belfond, 1977, p. 8.
[24] . M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit., pp. 219-220.
[25] . N. Elias, La dynamique de l'occident, op. cit., p. 187.
[26] . « Panoptique, par Jérémie Bentham », reprint in Bentham J., Le panoptique, op. cit, pp. 6-7,
[27] . M. Foucault, Surveiller et punir, op. cit, p. 249 .
[28] . Guillauté, Mémoire sur la réformation de la police de France (1749), reprint, Paris, Hermann, 1974, p. 34.
[29] . Williams A., The police of Paris, 1718-1789, Louisiana State University Presse, baton rouge and London, 1979, p. XVI.
[30] . Aristote, Politique, Livre III, 1287B, 30, traduction de Jean Tricot, Paris, Vrin Poche, 1995, p. 251.
[31] . Thuau E., Raison d'État et pensée politique à l'époque de Richelieu, (1966), rééd., Paris, Albin Michel, 2000, pp. 359-361.
[32] . Williams A., The police of Paris, p. XVIII.
[33] . Piasenza P., « Opinion publique, identité des institutions, 'absolutisme'. Le problème de la légalité à Paris entre le XVIIème et le XVIIIème siècle », in Revue historique, n°587, juillet-septembre 1993, pp. 97-142.
[34] . Coleman J., « Propriété et pauvreté », in James Henderson Burns (dir), Histoire de la pensée politique médiévale, (1988), trad. de l'anglais, éd. française Jacques Ménard, Paris, PUF, coll. « Léviathan », 1993, pp. 574-617.
[35] . Coleman J. (dir) ; L'individu dans la théorie politique et dans la prtaique (1996), trad de M. A de Kisch, Paris, 1996, chap. 1 « L'individu dans l'État médiéval », p. 32.
[36] . Coleman J., « Propriété et pauvreté », in James Henderson Burns (dir), Histoire de la pensée politique médiévale, op. cit., p. 576.
[37] . Lacan J., Séminaire 1966-1967, D'un discours qui ne serait pas du semblant, 6 mars 1967.
[38] . Pellat C.-A., Exposé des principes généraux du droit romain sur la propriété, ses principaux démembrements, et particulièrement sur l'usufruit (suivi d'un commentaire du libre VI des Pandectes <-sur le revendication>), Paris, Plon , 1853 (2e éd. ; 1e éd., 1837).
[39] . Dieu F., Gendarmerie et modernité, Paris, Montchrestien, 1993, p. 16. celle-ci remonte au XIIème siècle quand Philippe II crée un corps de sergents d'armes pour le protéger pendant le siège de Saint-Jean d'Acre. Il existe jusque sous le règne de Louis XI.
[40] . Macpherson C.B., La théorie politique de l'individualisme possessif, (1962), trad. de l'anglais par M. Fuchs, Paris, Gallimard, 1971.
[41] . Carrot G., Histoire de la police française des origines à nos jours, Paris, Taillandier, 1992, pp. 56-57.
[42] . Tilly C., Contrainte et capital dans la formation de l'Europe, 990-1990 (1990), traduit par Denis-Armand Canal, Paris, Aubier, 1992, pp. 201-202.
[43] . Chevalier B., Les bonnes villes de France du XIVème au XVIème siècle, Paris, Aubier, 1982, p. 43.
[44] . Ibid., p. 223.
[45] . Ibid., p. 221.
[46] . Ibid., p. 224.
[47] . Ibid., p. 225.
[48] . Bertillon A., « La comparaison des écritures et l'identification graphique », in Revue scientifique, 1980, p. 74.
[49] . Arendt H., « Une réponse à Eric Voegelin » (1954), Les origines du totalitarisme, éd. établie par P. Bouretz, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 2002, p. 972.
[50] . Dieu F., Gendarmerie et modernité, op. cit., p. 12.
[51] . Messac R., Le détective novel et la naissance de la pensée scientifique, Paris, Honoré Champion, 1929, p. 11.
[52] . Badie B. et P. Birnbaum, Sociologie de l'État, Paris, Grasset, 1979, réed. Hachette-Pluriel.
[53] . Ibid., p. 172.
[54] . Ibid., p. 171.
[55] . Richelieu, Testament politique (1689), Reprint, Caen, 1985, PU de Caen, p. 267.
[56] . Ibid., p. 175.
[57] . Antoine M., Le conseil du roi sous Louis XV, Genève, Droz, 1970, pp. 179-189.
[58] . Brodeur J.-P., « High policing and Low Policing : Remarks about the Policing and Politicals activities », in Socials problems, 1985, n°5.
[59] . Tocqueville (de) A., De la démocratie en Amérique, vol. 1, I, 5, op. cit., pp. 153-154.
[60] . Ibid., p. 157.
[61] . Ibid., p. 158.
[62] . Badie B. et P. Birnbaum, op. cit., p. 204.
[63] . Ibid., p.196.
[64] . Brodeur J.-P., La délinquance de l'ordre, Recherche sur les commissions d'enquête, Montréal, Hurtubise, HMH, 1984.
[65] . Bittner E., « Florence Nightingale à la poursuite de Willie Sutton. Regard théorique sur la police » (1974), trad. de l'anglais, in Déviance et société, septembre 2001, vol. 25, n°3.
[66] . Ibid., p. 295.
[67] . Ibid., p. 309.
[68] . Berlière J.-M., Le monde des polices en France, Paris, Complexe, 1996, pp. 22-39.
[69] . Brodeur J.-P., « La police de communauté aux États-Unis », in Informations sociales, n°92, 2001, p. 113.
[70] . Stolleis M., Histoire du droit public en Allemagne. Droit public impérial et science de la police, 1600-1800 (1988), trad. de l'allemand par M. Senellart, Paris, PUF, 1998, p. 558.
[71] . Laborier P., « 'La bonne police', sciences camérales et pouvoir absolutiste dans les États allemands », in Politix, n°48, quatrième trimestre 1999, pp. 7-35.
[72] . Badie B. et P. Birnbaum, op. cit., p. 188
[73] . Senellart M., « Y a-t-il une théorie allemande de la raison d'État au XVIIème siècle ? », in Yves Charles Zarka (dir), Raison et déraison d'État, Paris, PUF, 1994, pp. 265-293 ; Dominique Reynié, « Le regard souverain, statistique sociale et raison d'État du XVI au XVIIIème siècle », in Lazzeri C. et D. Reynié, La raison d'État : politique et rationalité, Paris, PUF, 1992, pp. 43-82.
[74] . Von Justi J.H.G., Elémens généraux de la police (1756), trad. de l'allemand, Paris, Rozet, 1769.
[75] . Napoli P., op. cit., p. 296.
[76] . Ibid., p. 299.
[77] . Reynié D., op. cit., p. 74.
[78] . Napoli P., op. cit., p. 46.
[79] . Ibid., p. 327 sqq.
[80] . Tarde G., Les lois de l'imitation, 1890, réed, Les empêcheurs de penser en rond, 2001, pp. 192-193.
[81] . Bigo D., « L'Europe de la sécurité intérieure : penser autrement la sécurité », in A.-M. Le Gloannec, Entre union et nations. L'État en Europe, Paris, Presses de Science-po, 1998, pp. 62 et p. 72.
[82] . Foucault M., « La gouvernementalité », cours du Collège de France, année 1977-1978 : « Sécurité, territoire, population », 4ème leçon, 1er février 1978), Aut-Aut, n°167-168, septembre-décembre 1978, pp. 12-29., in Dits et Écrits, op. cit., tome III, pp. 635-657.